La Grande Guerre

Quand les militaires se renseignent

Durant la Grande Guerre, le renseignement prend une ampleur inédite et connaît une véritable révolution conceptuelle. Les services de renseignement sont mis en place dans la plupart des armées. Le renseignement entre comme élément dans la phase de planification des états-majors qui s'appuient de plus en plus sur le renseignement pour prendre des décisions stratégiques.

Du côté allemand

  • Le Nachrichten Abteilung

En 1914, le service de renseignement allemand - Nachrichten Abteilung - est aux ordres du grand état-major et compte 90 officiers et employés. Ce service est commandé par l’Oberstleutnant Hentsch. Ce service est chargé de l’espionnage et du contre-espionnage. Avant le déclenchement de la guerre, le Nachrichten Abteilung est chargé de recruter des agents dans les pays frontaliers. Ces agents doivent repérer les dispositifs militaires et noter leurs points faibles. À Paris, un espion, le baron von Schluga, est particulièrement efficace.

  • Le renseignement dans la guerre de position

En s'installant dans les tranchées, les Allemands mettent en place l'aviation de reconnaissance. Cependant, ils rencontrent des difficultés pour rendre opérationnelle la photographie aérienne.

  • La transmission sans fil

Suite à l'opération Telconia menée par les Anglais, les Allemands ne peuvent plus communiquer qu'au travers de la TSF. La plus grande station radio est celle de Nauen, située près de Berlin. Cette station, créée en 1906, est la plus puissante d'Allemagne. En 1913, la station est modernisée pour communiquer avec les colonies allemandes en Afrique. L'émetteur est remplacé par un émetteur à étincelles de 100 kW, l'émetteur le plus puissant au monde à l'époque. L'antenne parapluie est également remplacée par une antenne directionnelle. Ces améliorations donnent à la station une portée de 9 000 kilomètres. Pendant la Grande Guerre, elle est gérée par l'état-major de l'amirauté impériale allemande, qui l'utilise pour les communications militaires avec sa flotte ainsi que pour le trafic radiotélégraphique commercial. En 1916, la station est à nouveau modernisée. Deux émetteurs à alternateur Joly-Arco de 400 kW sont installés. La station de Nauen devient alors l'émetteur le plus puissant du monde. Elle est le principal moyen de communication de l'Allemagne avec le reste du monde. Le service d'information allemand Transocean diffuse deux fois par jour à partir de Nauen des résumés des nouvelles d'outre-mer en anglais, qui peuvent être reçus dans le monde entier, afin de contourner la censure du réseau câblé britannique et de transmettre leur version des nouvelles aux Amériques et à l'Extrême-Orient.

Crédit photo : Wikipédia
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  • Le décryptage

En réponse à la stratégie des Alliés qui coupent les câbles sous-marins allemands afin de limiter leurs communications, les Allemands tentent d'interrompre les communications entre les membres de l’Entente cordiale. La ligne terrestre entre la Grande-Bretagne et l’Inde est provisoirement coupée, ainsi que les câbles dans la mer Baltique entre la Russie et ses alliés occidentaux. Cependant, ces perturbations ne durent pas longtemps. En effet, dès janvier 1915, des navires câbliers britanniques posent de nouveaux câbles sous-marins entre l'Angleterre et la Russie. Les Allemands tentent également d'interrompre les communications des stations de câble anglais de l’île Fanning, dans l’océan Pacifique, et de l’île Cocos dans l’océan Indien. À nouveau, les navires câbliers anglais réagissent rapidement et rétablissent les communications.

  • L'espionnage

À venir

Du côté belge

  • L'espionnage

Au moment de son invasion par les troupes allemandes, le 04 août 1914, le royaume de Belgique ne dispose pas de véritable bureau de renseignement. Très rapidement, l'armée belge recule. Les civils sont sous le joug allemand. Malgré la situation compliquée, 6 000 à 7 000 Belges deviennent des espions qui renseignent les Alliés durant l'ensemble du conflit.

Du côté britannique

  • Le Field Intelligence Department

En 1900, les Britanniques disposent déjà du Field Intelligence Department qui compte 132 officiers et 2 300 employés. Chaque employé du service terrestre doit connaître la topologie de l'Allemagne, de la Belgique et de la France. Il doit également savoir monter à cheval.

  • Le renseignement dans la guerre de position

Sur le front de l'ouest, avec l'installation des troupes dans les tranchées, la cavalerie devient obsolète. Les renseignements doivent provenir d'autres sources. Le développement de l'aviation arrive à point nommé. Dès 1915, grâce à la reconnaissance aérienne et à la photographie aérienne, le haut commandement peut connaître les emplacements des troupes et de l'artillerie ennemie. En 1917, la photographie aérienne s'enrichit de la photogrammétrie qui permet de mesurer les distances à partir de photographies. Avec la montée en puissance de l'artillerie, la cartographie gagne en précision. En 1915, les Britanniques élaborent les trench maps qui sont à la fois des cartes de tranchées et d'artillerie. Ces cartes sont réalisées à partir des plans cadastraux à grande échelle - 1 : 2 500 - et comportent les endroits précis des mitrailleuses, des canons et des réseaux de barbelés ennemis. Elles sont régulièrement mises à jour par les Fields Survey Compagnies ou FSC qui consultent sans cesse les photographies aériennes.

Crédit photo : DP
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Sur le front de Palestine, les Britanniques installent une cellule de renseignement à Port-Saïd, dirigée par Leonard Wolley qui est un archéologue réputé connaissant très bien la région.

  • La transmission sans fil

À venir

  • Le décryptage

Le lendemain de la déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne, le navire câblier anglais, Telconia, est envoyé en mer du nord à quelques milles d'Emden entre les Pays-Bas et l'Allemagne. Là, les marins draguent les fonds à la recherche des cinq câbles transatlantiques allemands. Les câbles sont trouvés, coupés, enroulés sur des tambours et emportés en Angleterre pour exclure toute possibilité de les réparer. C'est le premier acte de guerre des Anglais envers l'Allemagne. Les Allemands ne possèdent alors plus qu’un seul câble sous-marin, celui qui relie l'Afrique occidentale au Brésil et qui est en grande partie propriété américaine. Rapidement, les Anglais arrivent à court-circuiter ce dernier câble. À partir de ce moment, et pour toute la durée de la guerre, l'Allemagne est privée de toute liaison directe par câble avec les pays d'outre-mer. Elle doit reprendre l'utilisation des stations radio, dont la plus puissante est celle de Nauen, située près de Berlin. Durant les mois qui suivent, d'autres équipages anglais, français et japonais coupent d'autres câbles allemands situés dans l’Atlantique sud et dans le Pacifique. Certains agents arrivent même à s'emparer d'émetteurs TSF - Transmission sans fil - dans des colonies allemandes. L'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique en 1917 poussent les Britanniques à améliorer leurs communications en construisant de puissants émetteurs de TSF. Cependant, les messages les plus importants sont toujours envoyés par câble entre les Britanniques et les Américains ce qui empêche les Allemands de décoder des messages importants. Dès le mois d'octobre 1914, l'amiral Oliver, Director of Naval Intelligence, confie des messages codés interceptés en provenance de la station radio allemande de Nauen, à Alfred Ewing, Director of Naval Education.

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Crédit photo : University of Aberdeen
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En octobre 1914, le bureau 40 reçoit un exemplaire du code secret de la marine allemande, le Handelverkhersbuch, pris par les Russes en mer Baltique, sur l'épave du croiseur léger SMS Magdeburg, échoué près de l'île d'Odensholm. Un second exemplaire du code diplomatique allemand est également saisis dans les bagages de Wilhelm Wassmuss, agent allemand opérant au Moyen-Orient. Le 30 novembre 1914, un chalutier anglais récupère aussi, dans ses filets, un autre code, le Verkehrsbuch. Ayant récupéré ces codes, le Premier lord de l'Amirauté, Winston Churchill, décide de créer un service de cryptologie pour la Marine, connu sous le nom de bureau 40 - Room 40 -. Ce service est dirigé par Alfred Ewing jusqu'en mai 1917. Ce service procède au décryptage des messages interceptés de la marine allemande et à pour mission de suivre les mouvements de la flotte allemande. Grâce aux livres de codes allemands, à l'ingéniosité des Anglais et au nombre important des messages envoyés chaque jour par les Allemands, le bureau 40 arrive à percer les codes de la marine allemande. Rapidement, les Allemands comprennent que les mouvements de leurs navires sont connus. Heureusement pour les Alliés, les Allemands pensent que c'est le fruit d'espions infiltrés au sein du haut commandement de la marine allemande. Grâce au décryptage, la Royal Navy coule ou endommage gravement la moitié des navires de guerre allemands en à peine quelques mois.

  • L'espionnage

À venir

Du côté français

  • Les enjeux du renseignement

Pour la France, les enjeux du renseignement militaire sont triples. Premièrement, il s’agit d’assurer l’autonomie de décision du général en chef en lui livrant tous les éléments concernant l'ennemi. Deuxièmement, le renseignement contribue à planifier les opérations, puisqu’en évaluant les forces de l'ennemi, il autorise l’engagement d’un volume adapté de troupes. Troisièmement, le renseignement contribue à se prémunir de toute action de l’ennemi en déjouant ses plans. Malgré l'importance du renseignement, le Deuxième Bureau français végète jusqu'en 1906. Il faut attendre janvier 1914 pour que plusieurs instructions fixent le rôle du Deuxième Bureau. Ainsi, il doit couvrir quatre domaines : l’ennemi, le terrain, les ressources de tous ordres, enfin l’état d’esprit des habitants. Peu avant la guerre, le service de renseignement recouvre sa mission de contre-espionnage. La marine française possède, quant à elle, sa propre structure de renseignement qui est nommé le « Service spécial de l’état-major ».

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Il faut atteindre la fin de la bataille de la Marne, le 12 septembre 1914, pour que le GQG français, sur ordre du général Joffre, mette en place le 2e bureau du service de renseignement (SR) qui est un service parallèle au 2e bureau de l’état-major des armées. Par la suite, le 5e bureau de renseignement sera créé pour renforcer le 2e bureau de renseignement qui est dépassé par le nombre de messages à traiter.

  • La transmission sans fil

En 1910, la tour Effeil devait être démontée comme convenu lors de sa construction entre Gustave Eiffel et la ville de Paris. Conscient de la nécessité de trouver une utilité à sa tour, Gustave Eiffel propose de l'utiliser pour la transmission de signaux via la télégraphie sans fil ou TSF. Le haut commandement militaire français s’intéresse à la radio naissante. Aussi, elle charge le capitaine du Génie Gustave Ferrié, polytechnicien de 31 ans, de procéder à des expériences. Gustave Eiffel propose alors au capitaine Ferrié de mettre la tour à sa disposition et de financer l’installation au sommet d’un support d’antenne qui permettra de tendre un câble entre la tour et le milieu du Champ-de-Mars. Le capitaine Ferrié accepte et s’installe dans un baraquement au pied du pilier sud pour poursuivre ses expériences, entouré d’une petite équipe de spécialistes. En 1908, la tour permet de communiquer jusqu'à 6 000 kilomètres. En 1909, une station permanente est aménagée sous le Champ-de-Mars, dans le Palais de Chaillot. L’intérêt stratégique de la tour Eiffel est confirmé. Cela donne à Gustave Eiffel une prolongation de sa concession pour une durée de 70 ans à partir du 1er janvier 1910. En 1914, la France possède la seule antenne émettrice au monde. En 1915, le capitaine Ferrié participe aux premières communications radio par ondes hertziennes toujours à partir du Palais de Chaillot. Début 1916, la radio par ondes hertziennes devient le standard de fabrication français.

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Crédit photo : Collection tour Eiffel
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  • Le décryptage

À venir

  • L'espionnage

À venir

Du côté hollandais

  • L'espionnage

Les Pays-Bas, pays neutre, tout en gardant des relations économiques et diplomatiques avec l’Allemagne, ne peuvent refuser la présence de deux bases importantes pour l’espionnage belge. L'une est située à Flessingue et l'autre à Maastricht. Ces bases favorisent le renseignement et le commerce avec les Alliés. En septembre 1915, Rotterdam devient le nouveau centre de renseignement, en raison de l’installation, par les Allemands, d’une barrière électrifiée entre la Belgique et les Pays-Bas, rendant le passage de frontière plus difficile.


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