La Grande Guerre

L'importance des échanges des courriers durant la Grande Guerre

Le répit du soldat

Jamais les Français ne se sont autant écrit que durant la Grande Guerre. Si le rythme d’une lettre par jour est courant, certains soldats en écrivent et en reçoivent plusieurs quotidiennement. Des officiers aux hommes de troupe, tous écrivent. En général, ces courriers sont destinés aux parents, aux épouses, aux amis, aux camarades de combat même peu éloignés car il est difficile de se déplacer. Pour beaucoup, écrire va devenir une habitude, presque une manie.

  • L'organisation de la correspondance française

Un tel volume de courriers ne manque pas de poser de sérieux problèmes d’organisation. D’un autre côté, un bon acheminement du courrier s’avère rapidement vital pour maintenir le moral des combattants, comme celui de l’arrière. C'est pourquoi l’armée déploie des moyens à la hauteur de l’enjeu. Cette correspondance, il faut aussi le dire, est gratuite. La « franchise militaire » n’est en fait que l’extension généralisée de l’affranchissement réduit à un timbre par semaine en temps de paix. La guerre venue, le « Trésor et Poste », administration militaire unique, oblitère sans frais les correspondances des soldats et la gigantesque masse du courrier qui leur est adressée. Le bureau central de la Poste militaire française, installé au Conservatoire National de Musique de Paris, trie ces courriers par secteurs postaux. Ainsi, la correspondance suit sans que l’on puisse identifier clairement le secteur du front où se trouve le régiment du destinataire.

Crédit photo : Collection Albaret
Crédit photo : DP
Crédit photo : Collection Albaret
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À chaque numéro correspond une division, un grand état-major ou un quartier général. Les sacs de courriers sont ensuite dirigés vers des bureaux frontières, à la limite de la zone des armées. De là, ils sont transportés par des ambulants d’armée vers les vaguemestres d’étapes. Là-bas, ils sont répartis entre les bureaux divisionnaires où s’effectue le tri par régiment. Les courriers sont enfin remis aux vaguemestres des compagnies qui s’efforcent de les faire parvenir aux différents destinataires. Il arrive qu'ils doivent renvoyer le courrier avec la mention : « le destinataire n’a pu être touché à temps », ce qui signifie qu’il est soit mort, blessé, disparu ou prisonnier. L’acheminement du courrier venant du front se fait par le chemin inverse. Les bureaux divisionnaires les frappent de leur timbre et leur appliquent le cas échéant, les mesures de « retard systématique » selon les instructions reçues.

  • La censure

Tous les courriers sont soumis à un éventuel contrôle, par sondage, par un officier de l’état-major régimentaire tout d’abord, puis à chaque étape de l’acheminement. Les lettres prélevées sont ensuite remises aux autorités supérieures pour contrôle statistique. Grâce à ce contrôle, chaque semaine, un rapport établit « le moral des troupes » au vu de la teneur des lettres examinées. En plus de ce contrôle, une censure est mise en place dès le début de la mobilisation. Cette censure concerne le courrier de tout militaire en campagne et nul n’est censé y échapper. Elle s'applique aussi bien pour les courriers qui arrivent en direction du front que ceux qui partent vers l'arrière. Aucune indication stratégique, de lieu, d’opérations ou de mouvements de troupes ne doit figurer dans les courriers. Il s’agit avant tout d’éviter d'alimenter les espions qui sévissent dans le pays. En règle général, les courriers sont bloqués au minimum trois jours dans les centres de contrôle.

Crédit photo : Archives départementales de l'Oise
Crédit photo : Archives départementales de l'Oise
Crédit photo : Archives départementales de l'Oise
Crédit photo : Archives de Saône-et-Loire

Pour éviter le contrôle et la censure, certains soldats utilisent de codes pour communiquer avec leurs destinataires. D’autres rédigent leurs courriers dans un patois parfois difficile à traduire pour les officiers responsables de la relecture. En outre, et toujours pour échapper à la censure, certains courriers sont postés par des camarades en permission. Dès le 04 janvier 1915, le gouvernement français met en place le contrôle postal militaire, chargé de contrôler la correspondance aux armées. En plus des points stratégiques, les soldats ne doivent pas démoraliser les civils de l'arrière qui sont indispensables à la production de guerre. La lecture des lettres censurées montre que ces mesures, mal connues des soldats, n’atteignent pas leur but. Au front, la grogne grandit et les familles de l'arrière en sont informées, d’une manière ou d’une autre.

  • Les cartes postales

Née en Autriche en 1869, la carte postale est l'un des témoins principaux de la Grande Guerre. Elle joue plusieurs fonctions importantes durant le conflit. Premièrement, elle met en contact les soldats du front avec l'arrière et inversement. Ensuite, elle fait office d'outil de propagande, d'information et de communication pour les deux camps qui s'affrontent. Les cartes postales sont aussi un témoignage de la culture de guerre en exposant des représentations caricaturales et stéréotypées des camps ennemis. C'est ainsi que 4 à 5 millions de cartes postales sont diffusées pour 10 milliards de correspondances pendant la guerre. En France, la carte postale a un format 9x14 cm sur papier bristol. Petite et pratique, elle est composée au recto d'une illustration. Le verso est divisé en deux, un coté pour la correspondance et l'autre pour l'adresse du destinataire. La France ne produit pas moins de 1 800 modèles de cartes postales.

Dès le 15 avril 1915, pour éviter les risques de diffusion des mauvaises nouvelles susceptibles de tarir le recrutement de tirailleurs nord-africains, il est décidé que les tirailleurs ne communiquent plus avec leurs familles que par l’intermédiaire de leurs officiers et au moyen de cartes postales proposant en arabe un certain nombre de formules toutes faites. Cette même année, les officiers censeurs font preuve d’un zèle sans cesse croissant. Ils ouvrent sciemment la correspondance des membres du Parlement et du gouvernement, et ce en dépit de l’interdiction qui leur a été notifiée le 11 juillet 1915. Le ministre de la Guerre a beau demander une enquête après chaque bavure, rien n’y fait. Certains courriers ainsi ouverts montrent un certain défaitisme provenant de personnalités importantes.

Crédit photo : IDEA
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Le 09 juillet 1915, un texte définitif instaure une surveillance constante sur le courrier. Le texte définitif, promulgué le 27 juillet 1915, reste en vigueur jusqu'à l'armistice. Tous les courriers militaires doivent désormais être déposés ouvertes dans les boites des vaguemestres et non dans les bureaux de poste civils. Les commissions de censure, invitées à lire le plus grand nombre possible de lettres par opération, doivent désormais rendre compte de leurs investigations au moyen d’une grille d’analyse standardisée et proposer des sanctions selon un barème précis. L'opinion profonde des civils et des militaires doit remonter jusqu'au ministre. Mais ce travail n’est en définitive exploité par le haut commandement que pour organiser la répression.

  • Série de cartes postales françaises - À venir -
  • Les colis en France

Le courrier est un lien très fort avec l’arrière et surtout avec la famille. Complément indispensable aux courriers, les colis apportent un moment de joie et souvent de partage. Le colis alimentaire préféré des soldats est celui qui se compose d'une bouteille de vin, d'une terrine et de chocolat. Quant au colis non alimentaire, le plus apprécié est celui composé d'un jeu de cartes, de cartes postales vierges, de tabac et de linge, souvent renvoyé par la famille après lavage. « Lettres et colis sont aussi nécessaires au moral du soldat que les boules de pain, la soupe, le quart de jus et le pinard », pense Jacques Meyer. Tous les soldats sont avides de nouvelles. Au fond, tous ces hommes espèrent ne pas être oubliés. Effectivement, le premier désir des soldats est de rassurer les leurs sur la santé et le moral quitte à embellir la situation. En règle générale, les carnets de route rédigés au fil des jours, sans ce souci de camoufler la réalité, cernent mieux la réalité que les correspondances. De plus le contraste entre le front et l’arrière sont si grands que deux mondes se côtoient sans se comprendre.

Crédit photo : DP
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