La Grande Guerre

Les carnets rédigés durant la Grande Guerre.

1914 - 1915 - 1916 - 1917 - 1918


France
03 août 1914, Abbaretz

« Là, le curé, musique en tête, nous conduit, suivi de la foule, à la gare au son de La Marseillaise, et devant ces deux rubans d'acier qui nous emmèneront tout à l'heure vers l'inconnu. Tous les hommes se découvrent, les femmes pleurent, les enfants, de leurs petits yeux égarés, regardent inquiets sans rien comprendre de tout ce remue-ménage. Après nombreuses poignées de main à tous les amis, le chef nous écarte. Au loin et à toute vapeur arrive le monstre d'acier qui nous emmènera peut-être à la mort. Le voilà en gare, il souffle et ronfle. Tout le monde se précipite, les pleurs redoublent et un coup de sifflet strident nous avertit que c'en est fait, nous partons. »

Jean AUBREE, soldat au 264e régiment d'infanterie
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France
10 août 1914, Lyon

« Je suis arrivé à Sète samedi à 10 heures et de là on nous a dirigés sur Lyon où nous sommes cantonnés ici à proximité du camp de Sathonay, d'où nous devons partir d'ici peu pour aller continuer l'ouvrage : aider à nos camarades de la métropole qui se sont déjà si vaillamment conduits. Partout où nous sommes passés, nous avons été très bien accueillis et c'est avec plaisir que j'ai pu constater l'enthousiasme patriotisme et l'élan avec lequel chacun se prête pour faire son devoir et donner une bonne leçon à ces brutes d'Allemands. »

Henri PLUMARD, soldat au 2e Zouaves
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France
14 août 1914, Chambley

« Chaque fois que je lève la tête des balles me sifflent aux oreilles ou tombent à mes pieds. On vise les chefs de section. Nos mitrailleuses entrent en action. Mes chasseurs en blaguant froidement tirent sur tout ce qui se profile à la crête. Des Bavarois passent en courant affolés jusqu'à un kilomètre, pendant que des balles les environnent de poussière. Beaucoup tombent comme dans un jeu de massacre ou font les morts. S'ils se lèvent, ils ne vont pas loin. La crête semble couverte de cadavres. Notre mouvement a réussi. Pris dans l'angle de feu par les autres sections, tous s'enfuient ou tombent jetant ses armes. 30 Bavarois se rendent. J'ai un homme tué à ma section. »

Gabriel GROSDENIS, sous-lieutenant au 19e BCP
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Belgique
22 août 1914, Maissin

« Là notre artillerie se fit entendre, ça venait de devant, de derrière, ont été assourdis, c’était une fumée de poudre de tous côtés, à la fin de la journée les clairons sonnent la charge à la baïonnette pour chasser définitivement la position de l’ennemi. »

Théophile JOUSSEAUME, soldat au 64e régiment d'infanterie
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Belgique
22 août 1914, Maissin

« Là, je me relève à moitié étourdi, car je me demande comment je faisais pour me trouver encore vivant, car de chaque côté de nombreux copains étaient inanimés, la scène fût touchante, les clairons sonnaient la charge, des cris en avant à la baïonnette se répétaient de tous côtés en se mêlant aux cris déchirants des blessés. Les deux clairons de ma compagnie furent tués en sonnant la charge à chaque pas que l’on faisait on se heurtait dans les morts ou les blessés, malgré tout nous marchions toujours sur la lisière du bois en fuyant devant nous comme des lâches, mais sur deux cent soixante que nous étions avant à la compagnie, deux heures après nous étions que cent trente sur le champ de bataille. »

Théophile JOUSSEAUME, soldat au 64e régiment d'infanterie
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France
22 août 1914, Rossignol

« Le terrain à parcourir était constitué par des prairies séparées par des clôtures de fil de fer et de petits fossés servant à l'écoulement des eaux. C'est en franchissant l'une de ces clôtures que j'ai été grièvement blessé. Par chance, je suis tombé dans l'un de ces petits fossés où j'étais à l'abri des balles qui passaient à quelques centimètres au-dessus de moi. Je perdais mon sang en abondance. L'eau du fossé en était toute rougie. »

Georges LIVACHE, sous-lieutenant au 3e régiment colonial
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France
22 août 1914, Rossignol

« Il était environ une heure de l'après-midi et le combat a continué jusqu'au crépuscule. Les tirailleurs allemands ont alors progressé dans la direction de l'endroit où je me trouvais, au milieu d'autres blessés. M'ayant aperçu, ils se sont dirigés vers moi. Il avait été dit que les Allemands achevaient les blessés. Ils ne m'ont fait aucun mal. Ils m'ont seulement pris mon revolver, c'était normal. »

Georges LIVACHE, sous-lieutenant au 3e régiment colonial
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France
23 août 1914, Maissin

« Depuis le 23 au matin, nous battons en retraite et sommes tantôt avant-garde ; tantôt arrière-garde. Chaque fois que nous sommes dans ce dernier cas il y a engagement. Quant à coucher sous un toit, il n’y faut pas penser. Heureux quand nous trouvons de la paille et qu’il fait un temps doux sans pluie. »

Gustave ROLLAND, soldat au 116e régiment d'infanterie
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France
24 août 1914, Valenciennes

« Tout d’un coup l’on entend la fusillade derrière nous ; les chefs de section veulent faire face en arrière mais personne ne les écoute. Chacun se sauve, même le capitaine en tête. Arrivé en haut de la côte que l’on se crût presque sauvé. Quand tout à coup le canon se met à tirer sur nous. Coup sur coup fallut traverser la mitraille pendant au moins 800 mètres. Beaucoup sont tombés morts ou blessés. J’ai eu deux camarades de tombés à côté de moi. »

Auguste DROUIN, soldat au 27e territorial
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Belgique
25 août 1914, Mariembourg

« Sans but, harcelés comme du bétail, nous traînons nos corps épuisés par des chemins pleins de poussière, à travers des régions accidentées. J'ai faim, je suis incapable de demander quoi que ce soit à quiconque ; d'ailleurs, pourquoi le ferais-je ? Les autres ne possèdent rien non plus ! Dans les magasins que nous rencontrons, il n'y a rien à acheter ; ceux qui nous précèdent ont tout pris. »

Léon, volontaire au 8e régiment de ligne
France
25 août 1914, Flavigny

« J’ai vu des hommes jeter leurs cartouches, leurs sacs, leur fusil dans les fossés bordant la route pour pouvoir suivre, mais il y en a la-dedans beaucoup d’hommes qui sont affolés et fuient ; beaucoup descendent de Morhange plateau où les Boches nous ont durement accueillis par un terrible bombardement. Ils sont du midi et les officiers mêmes abandonnent leur harnachement pour fuir plus vite. Certains disent qu’on les a sacrifiés menés à une boucherie. Mais ceux-là n’ont aucune blessure et questionnant chacun j’apprends que les hommes blessés que j’ai vu revenir sont ceux des régiments de l’Est, du Nord et de l’Ouest qui étaient au centre de l’attaque et qui se sont vus encerclés par les Allemands parce que le régiment du midi qui étaient sur les ailes avait fui comme des lapins sans combattre aussi est ce avec haine qu’ils se regardent. »

Léopold REY, soldat au 8e régiment d'artillerie
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France
25 août 1914, Rozelieures

« Nous avançons en bon ordre, les Allemands paraissent reculer. Lorsque soudain une contre-attaque terrible nous oblige à reculer. C’est une débandade générale sous une grêle de balles et d’obus. Nos soldats tombent par paquets, c’est épouvantable. Notre artillerie protège notre retraite. Lorsque nous nous reformons, de ma compagnie sur environ 250 hommes, il en reste 90. »

François COTHENET, sergent au 134e régiment d'infanterie
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France
27 août 1914, Saint-Dié

« C'est la retraite ! À peine le signal en est-il donné ou plutôt, à peine les chefs ne tiennent-ils plus leurs hommes que sur la route criblée d'obus, dans les prés qui la bordent, à gauche et jusqu'au bois qui est un peu plus haut occupé par l'ennemi, c'est un sauve qui peut lamentable. Sans ordre aucun, pêle-mêle, infanterie, artillerie, voitures se sauvent, s'écrasant mutuellement. Tous les régiments mélangés : infanterie, chasseurs, batterie de montagne, artillerie de campagne, chevaux, mulets, cavaliers, fantassins sont lancés de toute la vitesse de la débâcle dans ce ravin formé par la route adossée au talus et une bande de prés bordée, à gauche, par le coteau boisé. Du talus au bois c'est un mélange de toutes les armes, de tous les régiments. »

Auguste GALLAND, soldat au 30e régiment d'artillerie
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France
30 août 1914, Crécy-le-Château

« L’assaut va être tenté en masse par les 3 bataillons (205e et 148e) ils nous restent que deux mitrailleuses pour préparer le travail ; et encore les chevaux sont tués, les servants ont bien du mal à arriver au plus de la route. Enfin, le clairon se fait entendre et nous voilà partis. Nos deux pièces crachent bien et cela nous encourage. Nous sommes serrés et la route monte terriblement ; ce qui nous retarde. Nous avons un moment d’espoir, l’ennemi cesse de tirer pendant quelque temps ce qu’il nous fait croire qu’il va déguerpir. Hélas, ce n’est qu’une ruse, ils ont simplement déplacé leurs pièces, et c’est avec un feu terrible qu’ils nous reçoivent en enfilade au bout de la route. Ils nous tuent à bout portant et rien pour s’abriter. Ah si nous avions seulement un peu le 75 avec nous, nous aurions le passage ; car enfin ce n’est que de la cavalerie … »

Albert THEVENIAUD, caporal au 205e Régiment d’infanterie
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France
01 septembre 1914, Boussois, secteur de Maubeuge, Nord

« Nous avançons prudemment nous ne remarquons rien d'anormal alors en avant et un peu après à notre gauche nous entendons une très vive fusillade : C'est un autre bataillon qui est aux prises au loin avec les Allemands. Au loin nous apercevons les mitrailleuses qui se replient et nous passons près du fort de Boussois qui est totalement démoli. Pourtant quelques batteries françaises continuent d'arriver sans discontinuer sur le fort. Nous arrivons dans un champ dont le blé n'est pas encore rentré. Nous assistons alors à un bien triste spectacle. Derrière chaque botte il y a un blessé et des morts. Nous passons derrière le cimetière et le spectacle est bien plus terrifiant encore : des blessés sont sur les tombes, d'autres se soutiennent aux croix … »

Joseph FREMAUX, soldat au 145e régiment d'infanterie
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France
07 septembre 1914, Rembercourt-aux-Pots

« Combien de temps j’y ai été ? Ai-je perdu complètement connaissance ? En tous cas il me semble y avoir été une dizaine de minutes. Je n’entendais plus les balles arriver près de moi ; les boches étaient tout près et je ne me rappelle pas avoir entendu crier. Je me dis, faut partir. Péniblement, je me mets à marcher, mais une fois parti je commence à réentendre les balles arriver. Peut-être n’ont-elles pas cessé de tomber. Je passe à côté d’un homme couché, mort, plus que sûr. Je montais une crête et me disais : « si seulement j’étais de l’autre côté … ». Une balle me passe sur la main gauche, enlève la peau. Une autre traverse l’épaule gauche. Je me voyais bien près de la mort. Tout de même, je demandais à Dieu de me donner le courage de supporter tout cela, et le priais, si je restais, de m’en tenir compte. »

Guillaume GALLIENNE, soldat au 304e régiment d’infanterie
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France
07 septembre 1914, Pargny-sur-Sault

« À plusieurs reprises, entre deux feux, nous traversâmes le jardin du château, et l'on allait chercher le champagne et toutes les liqueurs du château. Nous rapportions le tout dans la tranchée. Je n'ai jamais bu tant de champagne de ma vie. Il fallait faire vite pour courir à ce château. Je me rappelle que nous étions dans la cuisine lorsqu'un obus démolit un coin du toit. La gare était rouge de sang. Sitôt qu'un de nous se levait des rails, il tombait pour ne plus se relever. Je vis la cervelle d'un de mes camarades jaillir sur le quai. Je devins pâle. Le cœur me manqua de voir tant de sang. Le quai était jonché de cadavres. »

Émile MILLE, soldat au 128e régiment d'infanterie
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France
07 septembre 1914, Lunéville

« Ces dures épreuves physiques que nous avons subies prouvent que l’on peut pétrir son corps avec sa volonté, et que ce corps file lentement sur l’ordre. Marcher quand on ne peut plus marcher, dire qu’on va mourir et vouloir fortement vivre, tomber pour ne plus se relever et courir toujours, ne pas dormir, ne pas manger, dormir avec la pluie dans le cou et un ruisseau sous les pieds, être sous le sac comme un cloporte sous une pierre, et emporter sa pierre, puis à la première grande halte oublier tout et tenir le poteau d’arrivée, voilà ce qu’a dit au corps la guerre. Elle n’a pas dit autre chose à l’âme. Elle lui a appris à faire sa tranchée pour la résistance, à vouloir s’élever vers la lumière. »

Joseph LAFORGE, soldat au 222e régiment d'infanterie
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France
08 septembre 1914, Villiers-Saint-Georges

« De crainte que les voitures de fil que nous attendons se trompent de chemin, le lieutenant m'envoie me poster à 200 mètres du village, à l'intersection des routes. Je suis tout à côté de la première fosse que je vois en train de faire. On va y enterrer 2 morts. Ce sont deux chasseurs de je ne sais quel régiment, car on a recouvert leurs figures. Des automobiles pleines de blessés ne cessent de passer. Le village où je suis, Villiers-Saint-Georges, a été complètement pillé, encore et toujours par les fantassins. Les gens commencent à revenir et c'est affreux de voir leur mine lorsqu'ils s'aperçoivent des vols faits par nous. Leur rapacité ne porte pas seulement sur les vivres. Dans les magasins, jusqu'à des caisses de chemises de femmes qu'ils ont prises ! »

Charles DELSAUT, télégraphiste au 21e génie
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Allemagne
08 septembre 1914, Vaubecourt, Meuse

« Dès le matin, combat avec l’ennemi. Bientôt fuite des pantalons rouges, mais nous entrons en combat avec l’artillerie et nous nous retranchons. Aujourd’hui rien n'à manger, mais nous buvons du vin et du bon. Chaque jour, nous perdons quelques hommes. Le soir, nous occupons notre tranchée où nous passons toute la nuit : déjà la 2e nuit sans dormir. L’ennemi veut manifestement percer ici pour ne pas être pris. »

soldat allemand non identifié
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France
09 septembre 1914, Bouillancy

« Mais le soir, les Allemands ayant eu du renfort, ouvrent un feu violent. Notre infanterie, affolée, s’enfuit de toute part, et nous laisse tête à tête avec l’infanterie allemande, mais nous ne perdons pas courage. Nous tenons tête à l’ennemie. L’infanterie allemande descend une colline en colonne par 4. Une terrible canonnade s’engage. Il y a tellement de fumée que l’on a bien de la peine à respirer. Enfin le succès vient couronner notre peine. Les Allemands reculent en déroute. »

Victor RICHARD, soldat au 47e d'artillerie
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France
12 septembre 1914, Bruyère

« Je suis désigné pour le peloton d’exécution ; 4 sergents, 4 caporaux, 4 soldats 1re classe. On amène les déserteurs, le sergent DUHAIME, curé, leur donne l’absolution. On les attache chacun à un pommier. Ils se disent au revoir en murmurant ; c’est un malheur ; à l’abaissement du sabre qui remplace le commandement feu, ils tombent percés de 12 balles ; la mort est instantanée. Vraiment ça me fait de l’effet, j’en reviens tout pâle. »

Ovide DARRAS, caporal au 272e régiment d'infanterie
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France
13 septembre 1914, Bruyère

« Une douzaine de Français sont dans une grange sur de la paille, qui est presque du fumier. Ils sont restés 3 jours sur le champ de bataille avant d’être ramassés par les Allemands qui les ont soignés. Mais leurs plaies sont infectées. Il y a un chasseur à pied, qui a une balle dans le ventre et qui demande à boire, et il nous maudit pour que je lui donne à boire avec un peu d’alcool de menthe. Je lui apporte tout ce que j’ai à boire, et finalement nous pouvons le transporter dans le château de la famille de Benoît qui a été pillé par les Prussiens mais qui est au moins propre. »

Paul GROSS, sous-lieutenant au 13e d'artillerie
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France
16 septembre 1914, Bruyère

« Mais quelle horreur dans les gares proches du champ de bataille ! Des tas de blessés, quelques-uns affreusement mutilés, sont couchés n’importe où et n’importe comment. Ils gémissent mais personne ne semble les entendre. Le major est surmené et il les regarde méthodiquement, l’un après l’autre. Beaucoup de ces malheureux expirent ici dans d’horribles souffrances. Quelques-uns sont légèrement blessés, et ils sont évacués tout de suite. D’autres se sont mutilés. Le major les envoie impitoyablement au peloton d’exécution. À Bruyères, on forme le train des blessés, nous restons 24 heures dans le train avant qu’il ne parte. »

Marie FUINEL, soldat au 23e régiment d'infanterie
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Belgique
22 septembre 1914, Brassehaet

« Depuis le déroulement des opérations, nos hommes n’ont eu à leur disposition pour construire les ouvrages de défense que la pelle Linneman et 5 ou 6 brouettes par compagnie. Les ouvrages permanents et les magasins du fort et ceux du polygone de Brassehaet situés à deux kilomètres en avant de la ligne des ouvrages permanents regorgeaient cependant d’outils, pelles à long manche, pioches, haches, brouettes, etc., mais toutes les demandes faites pour obtenir la livraison de ces précieuses reliques restèrent sans réponse et les hommes durent continuer à se servir de civière de fortune pour transporter la terre et les gazons servant à la construction des abris. »

P. MERCIER, lieutenant-colonel au 7e régiment de forteresse
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France
25 septembre 1914

« Tout à l'heure, on avait mobilisé toute notre division pour assister à l'exécution d'un soldat, avec le cérémonial de la justice militaire et défilé devant le cadavre ... »

Étienne TANTY, soldat du 129e régiment d'infanterie
France
30 septembre 1914

« Les journaux d’aujourd’hui racontent que le gouvernement fait préparer des tricots et des gants de laine pour les soldats. Ils n’auraient pas sans doute l’intention de nous faire passer l’hiver ici, ces messieurs ! Ça serait bigrement terrible et qu’est-ce que ce sera s’il faut rester encore trois ou quatre mois … »

Paul DELEUZE, ordonnance d’un officier de la 65e division d’infanterie
France
03 octobre 1914, Lille

« Je fais aussitôt feu. Le cheval tombe. Son cavalier peut néanmoins se relever et prendre la fuite. Je continue à tirer, ainsi que mon camarade DUJARDIN, arrivé à mon aide. Plusieurs autres cavaliers allemands galopent dans les champs lorsque le 2e et son cheval sont à nouveau abattus. Nous courrons pour les capturer, mais à ce moment les autres cavaliers étant devenus menaçants, et craignant d’avoir notre retraite coupée, nous jugeons prudent de nous replier en abandonnant nos ennemis blessés. »

Clovis POREAUX, 1re légion de gendarmerie
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France
06 octobre 1914, Arras

« Les Allemands commencèrent le bombardement de la ville, nous sommes obligés de quitter la caserne précipitamment et c’est sous une véritable grêle d’obus, tout flambe et s’écroule autour de nous que nous quittons la ville. Jamais jusqu’à présent je n’avais été émotionné comme ce jour-là dans les rues. Tout le monde courait en s’appelant. Ici une vieille femme, les cheveux blancs, les yeux hagards appelaient à grands cris ses petits. Plus loin une jeune maman qui est à genoux par terre devant son petit qu’un éclat d’obus vient de tuer. Tout à coup, je vois arriver une jeune femme en courant et qui pleurait, elle vient vers moi et me dit qu’elle vient d’être blessée et elle me montre son cou, la malheureuse avait une affreuse entaille. Je la conduis à un magasin et je file le plus promptement possible. »

Agricol DARIER, armurier au 159re régiment d'infanterie
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France
13 octobre 1914, Roclincourt

« Ce petit village saccagé se nomme Roclincourt, nos cuisines y seront installées, malgré la pluie d'obus ; le pays est en partie abandonné, nos cuisiniers ont trouvé chez un marchand en gros, des œufs et du beurre et nous ont confectionné une abondante omelette. S'il est des jours ou on ne mange pas ou guère, par contre, on trouve en certains endroits, trop. C'est le gâchis même, on y saccage tout, on peut dire qu'après le passage de " l’ami " ou de " l’ennemi ", c'est la ruine pour tout le monde, c'est la grande misère après aussi, pour tous, ces bons paysans obligés de quitter leur demeure c'est triste ; rien n'est respecté ni linge, ni meubles, ni vin, rien en un mot. Certains vieux, nous disent les larmes aux yeux qu'ayant vu 1870, rien de pareil n'existait, qu'au contraire, dans certains cas, les Allemands respectaient mieux les biens que nous autres, ce n'est pas élogieux pour nous, mais il faut constater la vérité en ce qui nous concerne... enfin ; c'est bien la vie dépeinte que nous avons entendu clamer à toutes les occasions de manifestations contre la guerre. »

Elie BOUCHER, sergent au 1er Zouaves
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France
25 octobre 1914, Flandres

« Changement de position nous nous postons sur la droite de la route. Aussitôt installés, il nous faut tirer car la position devient critique à 1 heure les troupes belges reculent et nous voilà en première ligne nous tirons jusqu’au dernier malgré tombe près de nous notre pièce reste et la 6e l’ordre arrive. Il faut reculer car la position devient intenable on recule de 4 kilomètres et nous couchons dans une grange. »

Louis COCHET, soldat au 4e régiment d'artillerie lourde
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Belgique
27 octobre 1914, secteur de Pervyse

« L’action continue d’être très vive. Nous sommes tous mélangés Belges et Français. Les obus pleuvent dru. Il y a beaucoup de tués et de blessés. Nous ne recevons pas de vivres. Nous mourons de faim. Notre capitaine a été blessé hier. Il y a très peu d’hommes de la compagnie. Les Allemands creusent une tranchée à 250 mètres. Ils hissent le drapeau blanc. Nous voyons qu’ils jettent leurs morts au-dessus d’un parapet. Épuisé, je vais à la recherche de ma compagnie qu’on me dit être à Kapelle. »

Gustave TIBERGHIEN, soldat au 3e Chasseurs belge
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France
02 novembre 1914, Pommier

« À signaler la frousse du capitaine qui, aussitôt l’ordre de relève, part avec la liaison sans s’occuper de ses hommes restés dans les tranchées. Il parait qu’à chaque distribution, ce joli coco prend un ou deux litres d’eau-de-vie et le reste à proportion. Il n’est pas étonnant que les hommes soient si mal nourris car du haut en bas de l’échelle des gradés, il y a un gaspillage éhonté. »

Gaston MAGNIEN, soldat au 69e régiment d'infanterie
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France
04 novembre 1914, Argonne

« Il fait en ce moment un superbe temps d’automne, très doux avec un soleil voilé. Les bois sont exquis. J’y ai fait hier une longue promenade, la canne à la main, en allant visiter un grand front de tranchées. Nos tranchées sur tout ce côté-là sont imprenables. Elles bordent des hauteurs à pic et sont protégées par d’épais réseaux de fils de fer barbelés. Pour y arriver, on passe par de longs boyaux en zigzag. Les tranchées allemandes sont par endroits à 3 ou 400 mètres au plus. On entend très bien les soldats causer, travailler ou faire de la musique. Mais il ne faut pas se montrer, sans quoi l’on est immédiatement salué par les balles. Les Allemands sont très prodigues de leurs obus, et n’hésitent pas à tirer une salve pour un homme qu’ils aperçoivent. Cette nuit, une de nos batteries a profité du clair de lune pour tirer sur des convois allemands, et paraît leur avoir occasionné des dégâts sérieux. Quand ces tirs ont lieu pendant le jour, je vais m’installer à un observatoire d’où l’on a une vue très étendue, c’est un spectacle très amusant. Nos pièces de 155 ont d’ailleurs des effets terribles. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
05 novembre 1914, Thiaucourt, Meuse

« Nous partions par petits groupes protégés par les feux de salve que nous exécutions et comme je me trouvais à l’extrémité gauche de notre tranchée et que nous partions par la droite, j’ai fait le chemin à genoux en tirant tous les 4 mètres et puis je suis parti en courant par le petit sentier. C’est alors que j’ai été blessé à la main gauche par une balle qui m’a traversé la main, mais heureusement n’a pas touché les os, ce qui fait que je pourrai me resservir de ma main et bientôt retourner rejoindre mes camarades. Ce qui m’a fait le plus de peine au moment où je me suis vu blessé, c’est de quitter mes camarades et de penser que leur nombre se trouve réduit. Pourvu qu’ils ne soient pas blessés comme moi, c’est ce que je leur souhaite ! Puis j’ai rencontré mon adjudant qui m’a indiqué … »

Joseph RAIDL, soldat au 168e régiment d'infanterie
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France
18 novembre 1914, Argonne

« À certains points de notre ligne, les tranchées sont à 30 mètres d’intervalle, aussi s’agit-il de ne pas faire un pas au-dehors. On s’envoie des injures dont Homère rougirait, et des invites à se rendre conçues en termes appréciables. De temps en temps, quelques grenades viennent corser le programme du concert. D’ailleurs en ce moment, la fusillade continue sans une minute d’interruption, même pour déjeuner. Il a gelé assez fort cette nuit, mais j’aime mieux ce temps-là. Mon gourbi, au fond de la tranchée, est habitable par le froid, mais quand il pleut, l’eau ruisselle par le plafond. Nos repas sont apportés d’assez loin, en arrière, et sont très pittoresques. Nous avons tout l’air de mineurs, et sommes à peu près aussi sales : la toilette est forcément sommaire, puisque nous ne disposons chaque matin que d’à peu près 1/4 de litre d’eau apporté de fort loin. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
19 novembre 1914, Argonne

« J’ai fait ce matin une reconnaissance en avant de nos lignes, mais j’ai fini par me trouver pris entre 3 feux ennemis venant de postes placés beaucoup plus près que nous ne supposions, et m’en suis tiré, je ne sais comment. J’ai eu quelques pertes, puisque sur 20 hommes, j’ai eu 2 sergents tués — et les meilleurs – 3 hommes blessés, et 5 disparus dont deux au moins doivent avoir été faits prisonniers. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
22 novembre 1914, Argonne

« Nous avons échangé quatre coups de revolver à 10 mètres. Finalement, j’ai ramené quatre hommes sains et saufs, et quatre blessés. Je n’ai pas une égratignure, pourtant je te promets que j’ai entendu les balles siffler à bout portant. Quatre de mes hommes ont boulé l’un sur l’autre, comme des lapins à un mètre de moi ; j’ai eu l’impression que c’était la même balle qui les avait tous atteints A la nuit, une Compagnie du … a repris mon attaque et a pu se main- tenir avec de grosses pertes à 3o mètres de l’ennemi. C’est d’ailleurs à chaque instant un défilé de morts et de blessés à ma tranchée, qui se trouve par conséquent, maintenant à 100 mètres, en deuxième ligne, et relativement protégée par les bois. J’ai fait l’infirmier toute la soirée et j’ai beau ne pas être sensible, il y a quelques bien vilaines blessures. Les brancardiers ont toutes les peines du monde à venir, car on ne peut guère circuler que la nuit, et la nuit on ne voit rien, donc on se perd. D’autre part, il n’y a de routes qu’à trois kilomètres en arrière, le reste n’est que sentiers à peine frayés, ravins à pic, et fondrières glacées. Cette nuit a dû être terrible pour les blessés laissés forcément sur le terrain. Dans cette attaque d’hier, le régiment a perdu cinq officiers ; cela donne la proportion des pertes, qu’on ne connaît pas encore exactement. Nous avons occupé quelques tranchées allemandes, et avancé en moyenne de 300 mètres. Le plus pénible ici, est qu’on n’a pas un instant de sécurité, car il passe des balles tout le temps ; sans compter les grosses marmites qui arrivent de temps à autre. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
30 novembre 1914, Argonne

« Il vient d’arriver un renfort du dépôt avec un capitaine qui prend le commandement de la compagnie. Il est très gentil, un vieux briscard qui avait été blessé quelques jours avant moi. Je vais probablement prendre le commandement des pionniers. Ça doit être assez intéressant. Au fond, je me fais un peu l’effet de ce qu’on appelle au théâtre « une utilité». Une compagnie n’a pas de commandant : Monnier par ci — une section n’en a pas ; Monnier par là — et toujours comme ça ! C’est peut-être flatteur, mais c’est agaçant. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
07 décembre 1914, Argonne

« Temps affreux ! Heureusement notre abri continue à résister. Hier nous avons été bombardés. Je voudrais pouvoir me promener librement dans cette belle forêt ! Mes hommes travaillent aux boyaux de communication, aux tranchées, et servent les mortiers. On ne peut guère se rendre compte de visu des résultats obtenus, car sitôt qu’on montre la tête on est salué abondamment — et à des distances variant de 3o à 100 mètres, les balles n’ont rien d’agréable à recevoir. Nos patrouilles produisent quelques résultats, mais pour faire vraiment bien dans ces bois, il faudrait des hindous. Le bruit qu’on fait dans les feuilles mortes et les branches rend les surprises très difficiles. Sauf coup de veine, celui qui attaque est à peu près sûr d’échouer et de subir de grosses pertes. On devient, quant au danger, d’une indifférence extrême; les balles ne font pas plus d’impressions que des mouches agaçantes, et l’on regarde avec une curiosité un peu blasée les gros « noirs » tomber à 5o mètres et faire jaillir la terre en déracinant les arbres. Mes hommes marchent à peu près à mon idée. Je leur fiche la paix en général, mais je veux que « ça barde » quand je le demande, ils le savent et nous sommes très bien ensemble. D’ailleurs, les hommes aiment en général les officiers qui ne craignent pas de mettre la main à la pâte et de leur témoigner de la sympathie de mille manières. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
11 décembre 1914, La Haute-Chevauchée, forêt d’Argonne

« Le matin vers 9 heures, il se produit une violente explosion sur ma droite. Ce sont les boches qui ont pratiqué un trou de mine souterraine sous notre tranchée qui saute avec les hommes qui se trouvent à cet endroit. Ces hommes sont tous tués et quelques-uns sont en morceaux. À 16 hommes dont je fais partie, nous nous trouvons à côté de l’explosion nous avons à peine le temps de nous mettre sur la défensive que les Allemands nous entourent et nous font prisonniers. Les 5e et 6e compagnies ont le temps de se ressaisir et combattent pendant environ 4 heures, mais sont obligées de reculer après avoir perdu environ 200 morts et blessés et exactement 196 prisonniers, dont 2 officiers. Il est vraiment extraordinaire que je n’aie reçu aucune blessure. »

Georges LAUNAY, soldat au 31e RI
France
12 décembre 1914, Argonne

« Les Boches ont fait sauter hier une tranchée, ce qui a causé de la casse. D’ailleurs, en temps normal, en dehors des jours d’attaques, nous perdons une dizaine d’hommes en moyenne par jour, « J’ai fait installer des douches où mes hommes peuvent se laver à l’eau chaude tout le corps, ce que beaucoup n’avaient pu faire depuis le début de la campagne. »

Pierre MONNIER, soldat au 46e régiment d’infanterie
France
23 décembre 1914, Sud de Reims

« Nous suivîmes tout le terrain gagné parallèlement creusé aux tranchées ennemies ; chaque 20 pas nous nous mettions au créneau dans l’espoir d’en voir un. Inutile, cela n’empêchait pas ces brutes de tirer sur nous de derrière leurs créneaux. Je dis à …. Prenez aussi un fusil et tirons tous les deux. Nous tirâmes, lui un coup, le premier dit-il de sa vie, alors que j’en ai tiré deux autres après, soit trois cartouches dans le même créneau ennemi sans jamais voir personne. Et mon insistance à tirer me dit le soldat qui me passait les cartouches était inutile, car il me dit : « Voilà 3 mois que nous sommes en face jamais j’en ai vu qu'un seul. »

GAMBARELLI, capitaine au 118e territorial
Extrait de carnets de guerre provenant du site www.chtimiste.com , avec son autorisation

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