La Grande Guerre

Les carnets rédigés durant la Grande Guerre.

1914 - 1915 - 1916 - 1917 - 1918


France
08 mars 1917

« Je constate que l’état d’esprit est le même à peu près dans tous les régiments qui montent aux tranchées, nous avons tous la même manière de voir. À peu près comme au 204, tout le monde en a assez et désire que cela cesse à tout prix. Nous voulons la victoire par la paix, tandis que d’autres à l’intérieur veulent la paix par la victoire : une victoire lointaine et problématique, une victoire qui sera noyée dans le sang, voilée de deuils et assombrie par des misères et des malheurs incalculables. Nous ne devons pas nous battre pour accrocher des croix de guerre après des croix de bois, pas plus que pour mettre des feuilles de chêne sur les képis qui n’ont été faits que pour porter des galons, mais bien pour la France. »

Alexandre ROBERT, soldat au 204e régiment d’infanterie
Extrait de carnets de guerre provenant du site www.chtimiste.com , avec son autorisation
France
18 avril 1917, Chemin des Dames

« Naturellement rien à manger. Les vivres de réserve sont absorbés depuis le matin et on parle de ne rien toucher d'ici trois jours. C'est le moment de s'abattre sur ce qu'on trouve. Pour ma part je fais une razzia de biscuits barbotés de-ci de-là. Je ne mourrai tout de même pas de faim. Mais quelle pénible impression de se retrouver dans ses anciens cantonnements quand on croyait si bien coucher le soir en terrain reconquis. C'est l'abattement complet. Je comprends facilement que par la suite plusieurs régiments se soient mutinés. Rien n'est aussi déprimant qu'une telle séance, surtout quand on ne fait rien pour relever le moral du poilu - au contraire. »

Louis LAURE, soldat au 47e régiment d'artillerie
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France
23 avril 1917, Chemin des Dames

« C’est devant Ostel du nord, et à l’ouest dans le ravin de la ferme Gerleaux que je continue les notes de guerre. Nous sommes installés dans une cagna d’officiers artilleurs boches. Il y a lits, poêle, chaises et table, assiettes, flûtes et coupes et l’électricité. J’ai remplacé par un accu boche la dynamo en panne avec ma lampe de poche pour l’ampoule. »

René PIERROT, médecin-auxiliaire au 3e bataillon du 171e régiment d'infanterie
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France
08 octobre 1917

« Toujours à Soupir où nous commençons à trouver le temps long, les premiers jours allaient bien, le temps était beau et nous partions nous promener dans le parc du château appartenait paraît-il à la famille Calmette mais dont la guerre n’a fait qu’une ruine, d’ailleurs encore imposante. »

Daniel DURAND, soldat au 301e régiment d’infanterie
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France
08 octobre 1917

« La cave en est encore habitée par le Général aussi les abords immédiats du Château nous sont-ils interdits. Le parc nous reste, mais il est lui aussi tout mutilé, on s’est battu entre ces murs, tranchés et trous d’obus le sillonnent, de beaux arbres sont abattus et des mains vandales ont renversé les statues de leur socle. »

Daniel DURAND, soldat au 301e régiment d’infanterie
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France
08 octobre 1917

« À côté d’une grande pièce d’eau, une colonnade est restée presque intacte, l’endroit devait être superbe quand tous les rosiers qui l’environnent, groupés en une savante disposition, étaient en fleurs, à présent par exemple tous ces rosiers sont morts et leurs cadavres s’enchevêtrent piteusement autour de leur monture métallique. Dans un autre coin du parc, une piscine s’étale au pied d’un coquet pavillon, profitant des beaux jours, j’ai pu prendre deux bons bains forts appréciés après 18 jours de tranchée. »

Daniel DURAND, soldat au 301e régiment d’infanterie
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France
15 octobre 1917

« Le soir à 19 h nous montons en ligne, nous y arrivons à minuit. Là pas de tranchée, que des trous d’obus pleins d’eau et des macchabées. Pour le moment, je suis dans un trou d’obus avec deux autres. De la terre grasse jusqu’aux genoux, de la flotte et plusieurs macchabées qui sentent mauvais : et je vais rester là 6 jours et 6 nuits complètes sans pouvoir bouger, assis dans l’eau, impossible d’écrire, car les lettres ne partent pas depuis ici. On nous apporte à manger une fois par jour à minuit. »

Jules BARBE, soldat au 42e régiment d’infanterie
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France
23 octobre 1917, Marne

« Tout le monde hors de la tranchée c'est la ruée vers le barrage et les boches la baïonnette haute. Au milieu de l'ouragan d'obus du barrage ennemi, la minute est poignante ; il ne faut pas réfléchir. S'engager dans cette zone infernale, c'est mépriser sa peur. Braver ces explosions infernales et cette ferraille qui cingle, c'est vraiment défier la mort ou plutôt préférer à la honte de la fuite, le coup mortel qu'infailliblement on doit recevoir. Dans bien des âmes, la crainte des conséquences d'un recul, d'une mise à l'abri frauduleuse, des responsabilités du chef est plus forte que la peur. On la surmonte parce qu'il faut en passer par là, qu'il n'y a pas d'autre issue. Après tout il en reviendra toujours quelques-uns et l'on peut être de ceux-là. De gré ou de force il faut y aller, le plus souvent à contrecœur, mais c'est la loi des pauvres bougres de l'avant. »

Louis DECAMPS, caporal au 288e régiment d'infanterie
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France
23 octobre 1917, Marne

« L'attente est la pire des défaitistes ; vision de la mort, le brusque arrêt dans un court râle, de notre pensée, de notre activité. Quelle souffrance morale il faut endurer ! Peu de gens de l'arrière se doutent de cela. Beaucoup nous diront même au cours de nos permissions que leurs angoisses pour les leurs qui sont là-haut sont pires. Ceux de l'arrière immédiat des lignes nous disent que ceux qui sont en avant ont moins de risques sous prétexte que l'ennemi évite de bombarder les premières lignes de crainte de toucher les siens. Il y a de quoi rire. À les entendre, tout est réservé à ces pauvres gens de l'arrière immédiat, mais ils se gardent bien de demander à venir relever ceux de l'avant. »

Louis DECAMPS, caporal au 288e régiment d'infanterie
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