La Grande Guerre

Les services photographiques durant la Grande Guerre

Du côté allemand

Dès 1914, l’Allemagne semble maîtriser, sans commune mesure, les possibilités données par la photographie. Montée sur un avion, l'appareil photographique permet de réaliser des cartes, d'étudier les forces de l'ennemi et d'étudier les défenses de l'ennemi. En plus, la photographie peut devenir un important outil de propagande internationale. La photographie devient un média qui propose la vérité capturée à l'instant T. Le Verkehrsbureau de Leipzig, l'organisme officiel allemand chargé de la propagande par l’image, trie et envoie des milliers de photographies aux différents journaux nationaux et internationaux. La première préoccupation de cet organisme est de fournir un maximum de photographie de propagande aux pays neutres. Cette nouvelle forme d'information reçoit les faveurs des lecteurs. Une simple photographie peut servir la propagande, peut faire l'opinion publique ou encore encourager le peuple à participer davantage à l'effort de guerre.

Du côté britannique

En 1914, l'observation aérienne est remplacée par la photographie aérienne, qui devient la principale source du renseignement militaire britannique. Ces photographies aériennes permettent de connaître la topographie de la zone de combat, les positions des défenses ennemies, les positions de l'artillerie ennemie et les mouvements de troupes ennemies. Dès 1915, les Britanniques cherchent plus de précision des zones de combat. Aussi, il élaborent les trench maps, qui sont des cartes d'artillerie et de tranchées, à partir des plans cadastraux. En 1916, la bataille de la Somme marque un tournant pour la Grande-Bretagne car elle est la première bataille couverte par des photographes officiels britanniques de la N°1 Printing Company Royal Engineers. Les photographes Ernest Brooks et John Brooks font partie de cette première équipe. Les photographies réalisées au cours de ce conflit ne sont pas diffusées à la population civile. Ce n'est qu'en 1917 que les Britanniques comprennent que les photographies du conflit peuvent être un outil puissant de propagande. Aussi, les photographes reçoivent des instructions pour les prochains événements qui feront l'objet de photographies. Ils doivent mettre en avant l'héroisme des soldats britanniques à travers des séries de photographies qui seront en partie montées uniquement pour satisfaire la propagande. À l'hiver 1917, la photographie aérienne s'enrichit de la photogrammétrie qui consiste à mesurer les distances à partir de photographies.

Du côté français

Durant les périodes d'accalmies de 1914 et malgré le règlement militaire qui l'interdit, certains soldats réalisent des photographies à l'aide de petits appareils. Le règlement stipule qu'un soldat pris à photographier les installations militaires en zones de combat pourra être accusé d'espionnage et jugé en tant que tel. Malgré ce risque, certains soldats estiment que la vérité du front doit être montrée aux civils de l'arrière. Aussi, des ateliers sont montés par y réaliser le développement et le tirage des photos. Grâce à ces ateliers, de nombreuses photos montrant des cadavres, des prisonniers, des camps de repos, des hôpitaux, des camarades échappent aux contrôles de la censure et de la propagande. Ces photos sont de véritables témoignages visuels que découvrent avec effroi les civils de l'arrière. Afin de réagir à la propagande allemande qui utilise déjà les photographies réalisées sur les champs de bataille et afin de contrôler les photographies diffusées au peuple français, le gouvernement français décide de créer un service officiel photographique : la SPA - Section Photographique de l'Armée -. L'objectif de la SPA est de photographier les différentes phases du conflit afin de réaliser un inventaire qui sera diffuser. La photographie est ainsi élevée au rang de média.

  • Les appareils photographiques

Les appareils sont assez diversifiés sur le front. Mais le plus populaire et le plus recherché par les soldats est le Vest Pocket de la marque Kodak qui est petit - 4 x 6 cm - , pliant et se met facilement dans la poche. En 1917, il fait l'objet de troc entre soldats français et soldats américains qui débarquent en France avec cet appareil fabriqué aux États-Unis d'Amérique. En 1915, le gousset de fabrication française fait son apparition sur le front. Il est très léger car réalisé en carton, très plat et très petit - 4,5 x 6 cm - .Le premier appareil professionnel qui arrive au front est le Vérascope Richard qui est un appareil plus encombrant mais qui donne des photos en relief sur plaque de verre.


  • Le contrôle

Rien que pour l'année 1915, pas moins de 110 000 plaques de verre sont commandées par le SPA. Le haut-commandement préfère des plaques de verre aux pellicules de nitrate dont on redoute la faible conservation et le pouvoir inflammable. Il s'agit en 1915 de documenter et d'archiver cette guerre qu'on sait déjà égale à nulle autre pareille. Sur les 110 000 plaques réalisées, environ 8 % sont censurées par le SPA. Cette censure est le résultat officiel de la non-divulgation d'intérêts stratégiques et militaires, d'images d'armes et d'équipements trop précises et de techniques de camouflage ou d'impacts de bombes allemandes. Le censure se penche également sur les photographies qui peuvent démoraliser la population. Les clichés de morts réelles ou suggérées, de soldats visiblement trop fatigués ou démoralisés, peu enthousiastes, de grévistes ou de mutins, sont donc proscrits.


On voit en revanche des amputés avec appareillage pour montrer que le gouvernement français, dans sa grande générosité, offre à son enfant mutilé les moyens de recommencer une nouvelle vie. A fortiori, on ne voit pas les gueules cassées qu'il est interdit de photographier. Au final, la presse n'a accès qu'à 800 de ces 110 000 clichés. Pour pallier ce manque de photographies, plusieurs journaux lancent des concours de photos amateurs sur le conflit en cours. Grâce à ces concours, d'autres images non soumises à la censure vont se retrouver dans les pages des journaux français. La vie réelle des tranchées est montrée au grand jour et crée un véritable choc sur la population de l'arrière.


Retour à la page précédente