La Grande Guerre

Pourquoi l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand a-t-il contribué au déclenchement de la Grande Guerre ?

L'étincelle

L’Allemagne ne supporte plus d'être prise en étau entre la Russie et la France. La France veut sa revanche de 1871. La Russie ne veut pas que l'Autriche-Hongrie mette la main mise sur les Balkans. Une guerre peut arranger les ambitions des uns et des autres. Mais pour déclencher une guerre, il faut un prétexte. L'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, qui aurait pu être évité, fera l'affaire.

  • La Bosnie-Herzégovine

La Bosnie-Herzégovine est une ancienne province ottomane essentiellement peuplée de Slaves qui a été annexée par l'Empire austro-hongrois en 1908 malgré une opposition du parlement hongrois. De son côté, le sultan ottoman, Mehmed V, reçut une généreuse indemnisation de la part des Autrichiens. Cette annexion fut décidée par l'empereur François-Joseph, qui se méfiait du jeune et petit royaume serbe. Ce petit royaume ne cachait pas son ambition de créer un grand État slave du Sud, en commençant par rassembler tous les Slaves majoritaires de Bosnie-Herzégovine. Aussi l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par les Autrichiens passa mal au sein du peuple bosniaque qui devint rapidement hostile au régime austro-hongrois. De ce fait, cette nouvelle province austro-hongroise fut dirigée par un gouverneur sans état d'âme, le général Potière. L'archiduc François-Ferdinand, neveu de François-Joseph et futur héritier du trône des Habsbourg, décide de venir inspecter les forces militaires en manœuvre en Bosnie-Herzégovine. L'archiduc, en effectuant sur place une démonstration de force politique et militaire, espère mettre fin à toute l'agitation qui règne parmi les Serbes locaux, très attachés à une réunification avec la Serbie toute proche.


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Le protocole prévoit qu'il soit reçu le 28 juin 1914 dans la petite capitale bosniaque de Sarajevo. Cette date choisie coïncide avec l'anniversaire de la bataille de Kosovo du 28 juin 1389, remportée par les Turcs contre les Serbes. Cette bataille était devenue l'un des symboles du passé valeureux de la nation serbe. Pour de nombreux Slaves, la venue du futur empereur est perçue comme une véritable provocation. À l'annonce officielle de la visite de l'héritier du trône à Sarajevo, de jeunes ouvriers et étudiants bosniaques réfugiés à Belgrade décident d'organiser un attentat. Par ce geste, ils veulent faire entendre leur volonté de voir naître une grande Serbie regroupant tous les Slaves du Sud. Pour commettre cet attentant, ils vont être aidés et armés par une organisation secrète nationaliste serbe, la Main noire. Rapidement, le gouvernement serbe est averti de la préparation de l'attentat. Pendant que le ministre de l'Intérieur serbe tente de faire capoter les préparatifs de l'attentat en, l'ambassadeur serbe en place à Vienne, Jovan Jovanović, rencontre le ministre autrichien de la Bosnie-Herzégovine, Leon von Bilinski, et l'informe du risque d'attentat envers l'archiduc François-Ferdinand. Mais le ministre prend l'information à la légère et décide de ne pas informer son gouvernement.

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Le 28 juin, dans la matinée, François-Ferdinand et sa femme se rendent en cortège à la mairie de la ville, en passant par le quai Appel, le long de la Miljacka. Sur le parcours sont disposés les sept conjurés, certains armés de bombes, d'autres de pistolets. Cependant, aucun des conjurés n'a l'expérience des armes. Ainsi, le premier conspirateur, situé dans la lucarne une arme à la main, ne trouve pas un bon angle de tir lors du passage du couple en voiture. Il choisit de ne pas tirer, afin de ne pas compromettre les chances des 6 autres. Le second, Cabrinovic, réussit à lancer sa bombe sur la voiture de François-Ferdinand. Mais l'engin rebondit sur le véhicule avant d'exploser au passage des automobiles suivantes. L'héritier est indemne, plusieurs blessés sont à déplorer. Cabrinovic avale alors une pilule de cyanure et saute du haut d'un pont dans la rivière Miljacka qui traverse Sarajevo. Mais la pilule est de mauvaise qualité et ne le tue pas. De plus, la rivière n'a pas plus de 10 centimètres de profondeur. Il est donc arrêté sans peine. Après la détonation de l'explosion, plusieurs conjurés prennent la fuite, convaincus de la mort de François-Ferdinand.

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Malgré cet attentat raté, François-Ferdinand décide de reprendre sa route et se rend à la mairie comme prévu. Arrivé sur place, il est scandalisé de ce qui vient de lui arriver. Après son allocution, il décide de changer de programme pour aller à l'hôpital afin de se rendre au chevet des blessés. Le chauffeur se trompe alors de chemin et tourne dans la mauvaise rue. Il faut faire marche arrière qui n'existe pas sur les voitures de l'époque. S'ensuit une confusion. Par le plus grand des hasards, Gavrilo Princip, nationaliste serbe de 19 ans, se trouve encore à proximité. De manière totalement improvisée, il n'a plus qu'à s'avancer pour viser le couple impérial, à l'arrêt dans sa voiture décapotable. À l'aide de son pistolet, un browning 1910 FN calibre 7,65, Gravilo Princip blesse mortellement d'une balle l'archiduc à la gorge et d'une seconde balle son épouse à l'estomac. L'assassin est directement arrêté par l'escorte devant protéger l'archiduc et son épouse. La voiture de l'archiduc file alors directement vers la résidence du général Potiorek où un médecin attend les deux blessés. Dans l'heure qui suit, les deux membres de la famille impériale sont déclarés morts.

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Dès le 29 juin 1914, le lendemain de l'assassinat de François-Ferdinand et de son épouse, de violentes manifestations anti-serbes éclatent à Sarajevo. Plusieurs magasins serbes sont mis à sac. Le café de l'Europe fréquenté par les Serbes est saccagé. L'état de siège est proclamé à Sarajevo et dans son district. Le commissaire du gouvernement prescrit la fermeture des restaurants à vingt heures, et les cafés à vingt-deux heures. Les rassemblements de plus de trois personnes sont interdits. Vers 18 heures, les cercueils sont bénis à nouveau puis descendus pour être placés dans des fourgons. Vingt-quatre coups de canon sont tirés lors du départ du cortège constitué de bataillons d'infanterie, et de membres du clergé. Dans la nuit, les corps sont transportés par train spécial de Sarajevo à Metcovitch, port de la Dalmatie. Le 30 juin 1914, vers six heures du matin, les corps arrivent et les cercueils sont emportés par des marins à bord du Dalmate jusqu'à l'embouchure du fleuve Narenta où se trouve le navire de guerre le Viribus Unitis. Vers neuf heures du matin, le Viribus Unitis, transportant les dépouilles, lève l'ancre pour se diriger vers Trieste, alors en Autriche-Hongrie. Le 01er juillet 1914, le cuirassé Viribus Unitis arrive à quai à Trieste; les cercueils sont dirigés vers la gare du Sud pour prendre un train jusqu'à Vienne. Le 02 juillet 1914, le train arrive vers 10 heures à Vienne. Il est accueilli par Charles-François Joseph, le nouvel héritier du trône, qui sera empereur sous le nom de Charles Ier. Les cercueils sont placés dans un salon de la gare transformé en chambre funéraire puis emmenés dans le Palais impérial de Vienne. Le 03 juillet 1914, les dépouilles sont exposées au Palais impérial de Vienne. Des milliers de personnes défilent devant les cercueils ornés avec une grande simplicité. À 16 heures, une cérémonie religieuse a lieu dans la chapelle de Hofburg. Dans la nuit, les corps sont transférés à Pochlarn ; les bières traversent le Danube dans un bac pour atteindre le château d'Arstetten.

Crédit photo : Musée de Berlin
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Cet assassinat du 28 juin 1914 marque ainsi donc le départ vers la Grande Guerre, qui débutera par la déclaration de guerre de l'Empire austro-hongrois à la Serbie dès le 28 juillet 1914. Le ministre des Affaires étrangères de l'Autriche, le comte von Berchtold, voit l'opportunité d'utiliser cet assassinat pour déclarer la guerre à la Serbie. L’Autriche, qui espère que la guerre restera locale, s'assure alors du soutien de l'Allemagne. Entre le 20 et le 23 juillet 1914, les gouvernements français et russes se rencontrent pour renouveler leur confiance dans le cas d'une guerre imminente. Le 23 juillet 1914, l'Autriche-Hongrie adresse un ultimatum comportant dix points à la Serbie. Celle-ci, voulant se montrer conciliante sur les conseils de la Russie, accepte la plupart des demandes. Édouard Grey propose une conférence à Londres pour trouver une solution pacifique au problème. L’Autriche-Hongrie refuse de dialoguer. Comme l'ultimatum n'est pas accepté dans sa totalité, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914. Le 01er août 1914, suite à la mobilisation générale russe, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie, alliée de la Serbie. Le 02 août 1914, l'Allemagne adresse une demande d'autorisation de passage de ses troupes à la Belgique, neutre. Le 04 août 1914, l'Allemagne envahit la Belgique et déclare la guerre à la France. Le lendemain, c'est au tour de la Grande-Bretagne de déclarer la guerre à l'Allemagne. C'est le début de la Grande Guerre, qui se veut courte et qui durera finalement cinq longues années.


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