La Grande Guerre

La révolution civile en Russie

La révolution russe de 1917

Dès son engagement dans la Grande Guerre, l'empire russe connaît un véritable désastre. Vu sa faible industrialisation et de son arriération technique, la Russie ne peut soutenir une guerre longue et moderne. Obstiné, le tsar Nicolas II continue à envoyer ses soldats sous-équipés se faire massacrer par les troupes allemandes et austro-hongroises.

  • La révolution de février 1917

Début 1917, l'armée russe défaite est minée par de nombreuses désertions et la faim. De son côté, le peuple souffre de conditions de vie précaires. Les grèves et les révoltes se multiplient. Le tsar Nicolas II est incapable de proposer des réformes qui pourraient satisfaire à la fois son peuple et son armée. Dès le début du mois de février 1917, des grèves spontanées éclatent à Petrograd. Le 23 février 1917, journée internationale de la femme, les femmes manifestent dans les rues de Petrograd en réclamant la paix et du pain. Elles passent d’usine en usine, exhortant les travailleurs à se mettre en grève. Plus de 150 000 travailleurs se mettent alors en grève. Le 24 février 1917, la police ouvre le feu dans plusieurs rues de Petrograd, mais les foules dispersées se regroupent aussitôt. Le 25 février 1917, la grève est générale. Le 26 février 1917, sur ordre direct du tsar, la police ouvre à nouveau le feu des manifestants, mais les soldats du régiment Pavlovsk, devant également faire feu sur les manifestants, retournent leurs armes contre la police. C'est à ce moment précis que le rapport de forces bascule en faveur des grévistes. Les soldats rallient en masse la cause révolutionnaire. Pris de vitesse, aucun parti politique ne dirige cette révolution. Le mouvement de masse trouve ses dirigeants parmi les éléments les plus courageux et les plus fiables du mouvement ouvrier. Pour de nombreux grévistes, il s'agit d'un mouvement révolutionnaire social-démocrate dit bolchevik. Pour les soldats-paysans, il s'agit de former un nouveau gouvernement soviet dont les représentants sont des officiers et des intellectuels, plus à même de diriger la nation. Quoi qu'il en soit, les travailleurs et les soldats en insurrection sont les maîtres de la capitale, et la révolution gagne rapidement les autres villes de l'Empire.

La manifestation des femmes
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La répression des manifestants
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Le discours de Lénine
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La manifestation
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Devant cette révolution, les démocrates et les libéraux tentent de sauver la monarchie en créant un gouvernement provisoire dès le 02 mars 1917. Mais, ce nouveau gouvernement n’a aucun soutien dans la capitale, car les travailleurs et les soldats ne font confiance qu’aux dirigeants du soviet de Petrograd. Ici comme le paradoxe de cette première phase de la révolution russe. Les travailleurs font couler leur sang pour renverser le tsar, et ils placent leur confiance dans des socialistes modérés qui dirigent le soviet. Le 03 avril 1917, Lénine arrive à Petrograd. Dès son arrivée, il fait un discours dans lequel il affirme que les objectifs de la révolution en cours sont socialistes. Ce discours fait l’effet d’une bombe parmi les dirigeants du Parti bolchevik, dont la perspective ne va pas au-delà d’une révolution bourgeoise démocratique. Lénine défend l'idée qu'il faut renverser le gouvernement provisoire et le remplacer par des membres de la classe ouvrière en alliance avec la paysannerie. La nouvelle orientation du Parti Bolchevik va avoir des conséquences décisives sur le cours ultérieur de la révolution. Pour l’heure, les bolcheviks sont loin d’être majoritaires parmi les délégués du soviet. Lénine recommande alors de se tourner résolument vers les travailleurs et vers les soviets pour expliquer le programme et les objectifs socialistes du parti. Il exige que la guerre cesse immédiatement, que l’Exécutif soviétique cesse de soutenir le gouvernement provisoire et qu’il prenne le pouvoir en main.

  • Le gouvernement de coalition

Durant l'inaction du gouvernement et des dirigeants du soviet, les travailleurs perdent patience d'autant plus que les prix augmentent et que la guerre continue. L’influence des bolcheviks augmente. Au cours du mois d’avril 1917, manifestations et affrontements se succèdent. L’opposition à la politique des conciliateurs mencheviks et des socialistes révolutionnaires grandit dans tous les centres urbains. Au début du mois de mai 1917, les dirigeants conciliateurs du soviet forment un gouvernement de coalition avec les monarchistes et les capitalistes du gouvernement provisoire. Alors que le pays est instable, les puissances de l'Entente exigent avec insistance une nouvelle offensive russe afin de soulager le front de l'Ouest. Le 18 juin 1917, le Congrès des Soviets donne son accord pour une grande manifestation contre cette offensive. Cette manifestation marque un grand pas en avant pour le Parti bolchevik. C’est dans ce contexte que le ministre socialiste Kerensky ordonne, le jour même, le lancement de la nouvelle offensive militaire sur le front de l'Est. À travers cette offensive, Kerensky espère rétablir la discipline au sein de l’armée et de restaurer l’autorité du gouvernement à Petrograd. Mais l'offensive tourne court et une grave crise gouvernementale éclate. À l'aide de policiers et de cosaques, Kerensky ordonne d'ouvrir le feu contre les manifestants, tuant plusieurs centaines de personnes. Lénine doit regagner la clandestinité pour échapper à la prison.

Fête du peuple du 1er mai 1917
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Soldats russes manifestant
Crédit photo : Musée national de l'histoire politique de la Russie à Saint-Pétersbourg
Manifestation en faveur des Bolcheviks
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Membres du comité révolutionnaire de Petrograd
Crédit photo : Art Museum, Moscou

La révolution est donc bloquée dans son élan, puis trahie par des dirigeants généraux conciliateurs qui se préparent à prendre leur revanche en noyant la révolution dans le sang. L'offensive sur le front est du 18 juin 1917 s'enlise rapidement. Le général tsariste Kornilov ordonne l’exécution des déserteurs et rétablit la peine de mort. Il espère prendre le pouvoir et imposer une dictature militaire. Il exige également l'interdiction des grèves dans l'industrie et sur les chemins de fer. De son côté, Kerensky rentre en contact avec le général Kornilov de manière amicale. Rapidement, il comprend le coup d'État qui se prépare et le dénonce. Le 25 août 1917, les régiments contre-révolutionnaires marchent sur Petrograd.

  • La révolution d'octobre 1917

L'avancée des troupes du général Kornilov vers la capitale donne une nouvelle puissante impulsion à la révolution, transformant radicalement la situation dans la capitale. Chacun comprend que si le général Kornilov est victorieux, les travailleurs seront soumis à des peines de prison ou au peloton d'exécution. Devant la gravité de la situation, le Comité éxécutif du soviet n’a d’autre choix que de faire appel à la classe ouvrière de Petrograd. Il doit aussi inviter le parti bolchevik à participer au comité de lutte contre la contre-révolution qui doit diriger la lutte armée contre les troupes du général Kornilov. Trotsky est libéré de prison afin d'organiser la défense de Petrograd. Pour Trotsky, comme pour Lénine, il est indispensable de s'allie au Soviet pour lutter contre les troupes contre-révolutionnaires. Une fois formées, les troupes de la capitale font dérailler les trains acheminant les troupes, les équipements et les vivres du général Kornilov. Les quelques rares combats voient les troupes du général Kornilov s'enfuir ou se rendre rapidement. Ce dernier est d'ailleurs arrêté le 12 septembre 1917. Après la victoire, la composition des soviets, à Petrograd et dans l'ensemble du pays, évolue rapidement. Les délégués pro-bolcheviks augmentent en nombre au détriment des conciliateurs. La pression monte en faveur d'une rupture avec le gouvernement provisoire. Début septembre 1917, un vote des délégués au soviet de Petrograd donne les bolcheviks gagnants.

Les troupes de Kornilov
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La défaite des troupes de Kornilov
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Les gardes rouges de Petrograd
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Les gardes rouges de l'usine Vulkan
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L'insurrection du 24 octobre 1917, qui dépose le gouvernement provisoire et établit le pouvoir des soviets, coïncide avec l'ouverture du deuxième Congrès des soviets de Russie. Les bolcheviks gagnent une majorité décisive au sein des soviets, qui sont les organisations représentatives incontestées de la classe ouvrière. En cette heure décisive, personne ne souhaite se battre pour Kerensky, qui quitte Petrograd dans une voiture mise à sa disposition par l’ambassade américaine. Une fois mis en place, le pouvoir des Soviets propose une paix immédiate et démocratique à tous les peuples et l’armistice immédiat sur tous les fronts. Il assure la remise sans indemnité des terres des propriétaires fonciers, des apanages et des monastères à la disposition des comités paysans. Il défend les droits des soldats en procédant à la démocratisation totale de l’armée. Il établit le contrôle ouvrier de la production. Il assure la convocation de l’Assemblée constituante. Il assure à toutes les nations qui peuplent la Russie le droit véritable à disposer d’elles-mêmes.


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