La Grande Guerre

La nouvelle Europe d'après guerre

Une Europe redessinée

Les peuples qui sortent de la Grande Guerre ont des attentes différentes et souvent divergentes. Nombreux sont les peuples qui se basent sur les quatorze points de Woodrow Wilson, président des États-Unis d'Amérique, pour réclamer leur indépendance. En effet, le président américain résume la position de son pays par le respect des nationalités et par le droit des peuples à l'autodétermination. Ce programme très ambitieux transforme à jamais une Europe ruinée et endettée par quatre années de guerre.

Crédit photo : Wikipedia
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Les États de l'ancien empire russe

Dès l'effondrement du gouvernement russe suite à la révolution d'octobre 1917, plusieurs régions sont devenues indépendances. Certaines de ses régions, autoproclamées républiques, ont rapidement disparues et se sont retrouvées englobées dans l'Union des républiques socialistes soviétiques. D'autres républiques, par contre, sont restées indépendantes et existent plus que jamais au XXIe siècle.

  • La république populaire d'Ukraine 1917-1918

Le 10 juin 1917, la RADA proclame l’autonomie de l’Ukraine. Le 07 novembre 1917, au lendemain de la révolution d'octobre, elle proclame l'existence de la République démocratique ukrainienne. Les bolcheviks réagissent et déclarent hors la loi les représentants de la Rada. Ils installent en même temps à Kharkov un gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. En réponse, le pouvoir ukrainien installé à Kiev confirme l’indépendance complète du pays. Début 1918, les armées rouges marchent sur Kiev, capitale de l'Ukraine. La ville doit se rendre le 09 février 1918, après avoir subi douze jours de bombardement. La paix de Brest-Litovsk, conclue le 03 mars 1918, consacre l'abandon de l'Ukraine par les bolcheviks. Rentrée à Kiev, la Rada ratifie le traité, mais un coup d’État, mené par l’hetman Pavlo Skoropadsky avec le soutien des Allemands, met un terme à la République populaire ukrainienne au profit d'un État ukrainien.

  • La république montagnarde du Nord-Caucase 1917-1920

Cette république est créée le 05 août 1917 par le comité central du Nord-Caucase. Elle compte 11 millions d'individus pour une superficie de 415 265 km2. Les pères fondateurs de cette nouvelle république sont Saïd Chamil, Tapa Tchermoeff, Ali-Khaji Akusha et Haidar Bammate. Durant la guerre civile russe, les Montagnards combattent les armées blanches de Ciscaucasie. Les combats cessent en janvier 1920 lorsque la 11e armée soviétique remporte une victoire décisive sur les forces blanches présentes dans la région. L’armée rouge est d'abord favorablement accueillie dans les villages de Ciscaucasie mais les promesses bolcheviques de créer un État autonome ne sont pas réalisées. Fin janvier 1920, les membres du gouvernement de la nouvelle république doivent s'exiler. En janvier 1921, la république passe sous autorité soviétique.

  • La république populaire du Kouban 1918-1920

Cette république est créée le 28 janvier 1918 par les Cosaques de Kouban qui ont quitté le front pour protéger leurs terres qui sont sous la menace d'une invasion ottomane. À la suite de l'abdication de l'empereur Nicolas II, qui signifie la fin de la souveraineté impériale sur le Kouban, les Cosaques forment une Rada en mars 1917 dans l'intention de créer un gouvernement militaire qui contrôlerait et protégerait le Kouban. Le 16 février 1918, un premier gouvernement est formé avec à sa tête Nikolaï Riabovol. En mars 1918, les bolcheviks prennent Ekaterinodar, la capitale du Kouban, et suppriment la rada. Le 04 décembre 1918, le gouvernement se dote d'une constitution et demande son entrée à la Société des Nations. La Rada se tourne alors vers l'Ukraine et contracte une alliance avec l'Hetmanat de Pavlo Skoropadsky. Les Cosaques du Kouban se divisent de nouveau sur le soutien à apporter, soit à l'Armée des volontaires du général Dénikine, soit aux forces de la République nationale ukrainienne. Le 06 novembre 1919, l'armée du Caucase des Forces Armées du Sud de la Russie assiège la Rada et arrête plusieurs de ses membres, dont le Premier ministre. En janvier 1920, l'armée rouge impose l'autorité soviétique au Kouban.

  • La république démocratique d'Arménie 1918-1920

Cette république est créée le 28 mai 1918 par les Arméniens qui viennent de stopper l'avance de la 3e armée ottomane à Karakilisa et à Bach Abaran. Face à cette résistance inattendue les Turcs signent avec les Arméniens le traité de Batoum le 04 juin 1918. Ce traité ne laisse à aux Arméniens qu'un territoire minuscule. Le Conseil national de Tiflis constitue alors un gouvernement, dans lequel tous les postes sont occupés par des Dashnaks. Hovannès Katchaznouni est alors nommé premier ministre d'un pays qui compte environ 3 millions d'habitants. La fin de la Grande Guerre ne signifie pas la fin des combats en Transcaucasie. Une courte guerre oppose les Arméniens aux Géorgiens à propos de la région du Lorri. Ce conflit a pour effet de dresser les Géorgiens contre les Arméniens qui quittent la Géorgie en masse. Conformément à l'armistice de Moudros, les Arméniens obtiennent la restitution de la province de Kars, où ils se heurtent à l'hostilité des musulmans locaux. Bien que les Alliés ne reconnaissent pas officiellement la jeune république, les Arméniens sont représentés à la conférence de la paix en 1919. Coincé entre la Turquie et la Russie, les Arméniens tentent de négocier avec les Russes dès avril 1920. Le 10 août 1920, le traité de Sèvres est conclu . Ce traité stipule que la Turquie reconnaît l'Arménie comme un État libre et indépendant. Le 23 septembre, l'armée turque attaque l'Arménie. L'armée arménienne est rapidement mise en déroute. Le 02 décembre 1920, un nouveau traité, le traité d'Alexandropol est conclu entre les Turc et les Arméniens qui doivent renoncer aux frontières du traité de Sèvres. Le même jour, les Russes bolcheviks prennent le pouvoir à Erevan, capitale de l'Arménie.

  • La république démocratique d'Azerbaïdjan 1918-1920

Cette république est créée le 28 mai 1918. Après avoir constitué un gouvernement stable, la RDA décide de mener une politique plus neutre vis-à-vis de la guerre civile en Russie et le 16 juin 1918 elle signe un traité de défense collective avec la Géorgie contre l’Armée blanche du général Anton Dénikine. Cependant, la jeune république est confrontée à un autre problème de taille : la Russie est décidée à réoccuper les territoires azerbaïdjanais qui ont été laissés à leur sort après la révolution de 1917. L’armée russe propose aux dirigeants de l'Azerbaïdjan de démobiliser leur armée et de laisser les troupes russes entrer dans le pays. Ainsi le 28 avril 1920, la République démocratique d'Azerbaïdjan est occupée par l'Armée rouge. Elle perd aussitôt son indépendance. Le même jour, la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan est fondée.

  • La république démocratique de Géorgie 1918-1921

Cette république est créée le 26 mai 1918. Le Conseil national géorgien devient l'assemblée parlementaire provisoire de la République démocratique de Géorgie, assemblée présidée par Nicolas Tcheidze. Les frontières de la République démocratique de Géorgie se forment après de multiples conflits frontaliers avec ses voisins caucasiens, tandis qu'une multitude de traités et de conventions sont promulgués pour définir les limites du pays. Au nord et au nord-ouest, la République démocratique de Géorgie partage des frontières avec plusieurs entités ethniques qui éprouvent des difficultés à se fédérer. Au sud-ouest, la frontière de la République démocratique de Géorgie avec l'Empire ottoman change continuellement. L'offensive ottomane sur le Caucase conduit à la signature le 04 juin 1918 d'un traité turco-géorgien cédant Akhalkali, Akhaltsikhé et Batoumi. De son côté, la Russie soviétique compte récupérer son ancien territoire. Elle profite de l'appel à l'aide de l'Arménie qui souhaite récupérer la région de Lori pour envahir la République démocratique de Géorgie dès le 15 février 1921. La Turquie profite de la situation et entre en Géorgie le 23 février 1921. La République socialiste soviétique de Géorgie, contrôlant la partie est du pays, est proclamée à Tiflis le 25 février 1921. Le gouvernement géorgien trouve refuge en exil à Constantinople. En 1922, il gagne la France qui tente d'attirer l'attention internationale sur le sort de la Géorgie, mais sans résultat.

  • La république de Lettonie 1918-1940

Cette république est créée le 18 novembre 1918 par le conseil letton, suite au traité de Brest-Litosvk signé en mars 1918 et qui oblige les Russes à abandonner les territoires lettons. Cependant après la défaite de l'Allemagne sur le front Ouest en novembre 1918, les armées rouges tentent de reprendre la Lettonie. Ils s'emparent de Riga en janvier 1919, mais ils sont repoussés par les Lettons aidés par les Allemands volontaires du Baltikum. Sous pression des pays alliés, les Allemands doivent évacuer la Lettonie en novembre 1919. Au traité de Riga en août 1920, les Soviétiques renoncent à la Lettonie dont ils reconnaissent l'indépendance.

La Pologne

  • La république de Pologne 1918-1945

Dès le 11 novembre 1918, date de la fin de la Grande Guerre, une insurrection éclate en Pologne. Elle va se poursuivre jusqu'à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919. Le traité recrée l'état polonais en recevant de l'ancien empire allemand certains territoires dont :

  • L'est de la Haute-Silésie
  • Une grande partie de la Posnanie
  • La région de Działdowo en Prusse-Orientale
  • Une partie de l'est de la Prusse-Occidentale
  • Une partie du sud de la Prusse-Orientale
  • 70 % de la Prusse-Occidentale avec accès à la mer Baltique

La Pologne, ainsi reconstituée avec environ 27 millions d'habitants pour une superficie de 387 000 km², forme la deuxième République de Pologne qui prend officiellement naissance le 11 novembre 1918. Cette nouvelle république souffre rapidement de troubles internes. En effet, la Pologne, soumise durant 123 ans à la russification et à la germanisation, ne peut se reconnaître que dans une continuité culturelle, spirituelle et politique. Or, celle-ci, dans un pays multiculturel et multiconfessionnel, où une partie de sa population ne parle pas polonais, ne peut gérer facilement ses grandes différences. Le réveil des nationalités entre les Lituaniens, les Allemands, les Ruthènes, les Juifs et les Ukrainiens d'une part, et la majorité polonaise (70 %) d'autre part, n'aident pas le nouveau gouvernement qui manque cruellement d'expérience. Le 11 décembre 1922, Gabriel Narutowicz devient le premier président de la République polonaise.

La Finlande

  • Le royaume de Finlande 1917-1919

En 1914, la Finlande compte environ 3 millions d'habitants et possède une certaine autonomie vis-à-vis de l'empire russe qui possède le territoire depuis plus de 100 ans. C'est lors de la révolution russe de février 1917 et de l'arrêt de la russification par le gouvernement provisoire russe que la Finlande pense à devenir un état indépendant. C'est le 06 décembre 1917 que la Finlande déclare son indépendance, reconnue par le pouvoir soviétique dès le 04 janvier 1918. C'est alors le début de la guerre civile finlandaise entre les armées rouges, soutenues par le pouvoir révolutionnaire russe jusqu'au traité de Brest-Litovsk, et les armées blanches, alliés à l'Allemagne. Le 30 avril 1918, les armées blanches sont finalement victorieuses et l'indépendance assurée. Les Blancs, vainqueurs de la guerre civile, sont majoritairement pour l'option du régime de la monarchie constitutionnelle et sont politiquement et culturellement proches des milieux dirigeants allemands. En octobre 1918, à peine un mois avant la fin de la guerre, les dirigeants finlandais choisissent pour roi un prince allemand, Frédéric-Charles de Hesse-Cassel, qui règne du 09 octobre 1918 au 14 décembre 1918. Rapidement, le prince allemand renonce au trône qui lui est promis. Le 12 décembre 1918, le maréchal Carl Gustaf Emil Mannerheim se fait proclamer régent du royaume de Finlande. Les monarchistes étant discrédités aux yeux des Alliés, la défaite allemande incite les conservateurs finlandais à remettre en cause la forme monarchique de l'État. De plus, sous la pression du parlement, le régent Carl Gustaf Emil Mannerheim ouvre des négociations avec les Alliés pour pérenniser l'indépendance finlandaise et obtenir l'approvisionnement en vivres de la Finlande, exsangue après cinq années de guerre. Il est finalement obligé d'accepter la mise en place d'une constitution démocratique et républicaine durant l'été 1919 sous la pression des Alliés. Son adoption, le 17 juillet 1919, met un terme au régime monarchique en Finlande. La République de Finlande est née.

La Tchécoslovaquie

  • La république de Tchécoslovaquie 1918-1938

Cette république est créée le 28 octobre 1918 à partir de territoires austro-hongrois peuplés de Tchèques, de Slovaques et de Ruthènes. La Tchécoslovaquie a comme capitale Prague. Ses frontières avec l'Autriche et la Pologne sont fixées par le Traité de Saint-Germain-en-Laye et avec la Hongrie par le Traité de Trianon. De par ses frontières, la population est composée de 49% de Slovaques, de 23,3% de Tchèques, de 5,4% de Hongrois, de 3,4% de Russes, de 1,3% de Juifs et de 0,5% de Polonais. Son territoire, de plus de 140 000 km², compte plus de 13 millions d'habitants.

Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes

  • Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes 1918-1929

Ce royaume est créé le 01 décembre 1918 par le Prince Régent Alexandre Karađorđević au nom de son père Pierre Ier de Serbie qui prend alors le titre de roi des Serbes, Croates et Slovènes. Le nouveau royaume est constitué par la fusion de l'éphémère État des Slovènes, Croates et Serbes, rassemblant les populations slovènes, croates et serbes de l'ancienne Autriche-Hongrie, avec les royaumes de Serbie et du Monténégro. Par plébiscite, le duché de Carinthie choisit de rester en Autriche. Le gouvernement tente d'unir le pays politiquement et économiquement, mais la tâche s'annonce ardue en raison de la grande diversité de religions, de langues et de nationalités.


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