La Grande Guerre

Quelles sont les causes de la Grande Guerre, aussi appelée Première Guerre mondiale ?

Les facteurs à l'origine du conflit

Les origines de la Grande Guerre sont à la fois nombreuses et complexes. Elles ont suscité de nombreux débats entre historiens, surtout concernant la responsabilité de l'Allemagne. La guerre franco-allemande de 1870, qui dura du 19 juillet 1870 au 29 janvier 1871, vit la France vaincue par des États allemands coalisés sous l'égide de la Prusse. Cette défaite entraîna l'annexion au Reich du territoire Alsace-Moselle et l'affirmation de la puissance allemande en Europe au détriment de l'Autriche-Hongrie et de la France. La défaite et la perte de l'Alsace-Moselle provoquèrent, par ailleurs et pour longtemps, en France, un sentiment de frustration qui contribua à l'échec du pacifisme, et plus tard, à l'entrée du pays dans la Grande Guerre.

Entre 1871 et 1914, de nombreux facteurs contribuèrent à déstabiliser l'équilibre des puissances européennes.

  • L’Allemagne, une nouvelle puissance européenne

La montée en puissance de l'Allemagne est l'un des principaux facteurs dans l'augmentation des tensions entre États européens. En effet, la victoire de la Prusse sur la France, en 1871, permet l'unification de l'Allemagne et la création d'une nouvelle puissance dans le cœur de l'Europe. La volonté, de la part de l'Allemagne, de se comporter comme une puissance militaire et économique développa la crainte des autres États européens vis-à-vis de ce pays, et influença donc les relations diplomatiques. Entre 1890 et 1914, la population allemande passa de 49 à 66 millions d'habitants. De plus, son développement économique ne fut à nul autre pareil. L’Allemagne exportait plus d'acier que la France, la Russie et la Grande-Bretagne réunies et était le deuxième pays producteur de charbon, derrière la Grande-Bretagne. La force de l'industrie allemande permit d'accroître les capacités militaires du pays qui possédait, en outre, une armée bien entraînée et équipée. L’Allemagne avait, juste avant le déclenchement de la guerre, la deuxième flotte mondiale, derrière la Grande-Bretagne. La politique étrangère de l'Allemagne fut menée par Otto von Bismarck, premier chancelier de l'Allemagne, de 1871 à 1890.

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Sa politique permit à l'Allemagne la signature de nombreux traités et alliances avec, souvent, des clauses secrètes. Néanmoins, il s'efforça de préserver l'équilibre européen. En 1872 fut formée la Ligue des trois empereurs (Allemagne, Russie, Autriche-Hongrie), suivie, en 1879, par la double alliance (ou duplice) entre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie qui se devaient assistance mutuelle en cas d'attaque de la part de la Russie. Bismarck croyait, en effet, que ces alliances avec l'Autriche-Hongrie allaient réduire les vues de celle-ci sur les Balkans. En réalité, ce fut tout à fait le contraire : l'Autriche-Hongrie mena une politique audacieuse contre les mouvements nationalistes dans les Balkans. Suite à sa demande, l'Italie entre dans l'association germano-autrichienne en 1882 : cette alliance entre les trois pays formera la Triple Alliance ou Triplice. En 1887, l'Allemagne signa le traité secret de contre-assurance avec la Russie qui stipule la neutralité russe en cas de déclaration de guerre de l'Allemagne contre la France et la neutralité allemande en cas d'attaque de la Russie sur l'Autriche-Hongrie (ce qui est contradictoire avec les clauses de la duplice), ainsi que le soutien de la politique russe dans les Balkans de la part de l'Allemagne. Selon la volonté de Bismarck, ces nombreux traités permettraient à l'Allemagne, en cas de crise internationale, d'avoir un maximum de flexibilité.

  • La crise bulgare et la montée de l'instabilité dans les Balkans

En 1876, une rébellion de grande envergure, supportée par la Serbie, le Monténégro et la Russie, se souleva en Bulgarie. Cette crise se transforma en guerre entre la Russie et la Turquie, entre 1877 et 1878, qui se soldèrent par la défaite de l'Empire ottoman. Ce dernier fut contraint à signer le traité de San Stefano, le 3 mars 1878. La Bulgarie devint indépendante. La Roumanie et la Serbie reçurent de nombreux territoires, tandis que l'Autriche-Hongrie et la Russie obtinrent le droit de superviser les réformes en Bosnie-Herzégovine alors territoire de l'Empire ottoman. Cependant, la Grande-Bretagne et l'Autriche-Hongrie ont trouvé que cet accord donna trop de pouvoir à la Russie. Ainsi, le chancelier allemand Bismarck, en médiateur, proposa d'organiser un congrès international à Berlin. Le traité qui en découla limita les gains territoriaux de la Russie ; la Serbie, le Monténégro et la Roumanie devinrent indépendants et la Bosnie-Herzégovine fut placée uniquement sous le contrôle administratif de l'Autriche-Hongrie.


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La Bulgarie devint une principauté autonome de l'Empire ottoman. Mais, dans le but de préserver une certaine puissance ottomane, la Bulgarie du Sud et l'est de la Roumélie restèrent sous le contrôle de l'Empire ottoman, ce qui souleva une révolte de la part des nationalistes de l'est de la Roumélie, qui demandèrent le droit de rejoindre le reste de la Bulgarie. La Russie utilisa alors cette révolte comme prétexte pour agrandir ses territoires, ce qui déplut à l'Autriche-Hongrie qui, avec l'aide de Bismarck, réussirent à faire retirer les troupes du tsar Nicolas II de la Bulgarie. Cette crise bulgare eut trois principales conséquences, à savoir la fin de la Ligue des trois empereurs, l'affaiblissement de l'Allemagne sur le plan de la médiation qui prit parti contre la Russie, ainsi que la fin du traité de contre-assurance entre l'Allemagne et la Russie. La diplomatie menée par Bismarck connut là son premier véritable échec. Otto von Bismarck fut démis de ses fonctions en 1890. Cet événement est considéré comme lé clé principale dans la marche vers la Grande Guerre.

  • L'impact des politiques impérialistes

De 1880 à 1914, la montée de l'impérialisme en Europe créa des tensions. Les gouvernements britannique, français, allemand, italien ainsi que le roi des Belges, Léopold II, se partagèrent des territoires africains. En effet, 90% des territoires africains étaient sous influence d'un pays européen. En outre, les pays européens cherchaient également à étendre leur domination en Asie. Pour la majeure partie d'entre eux, ce "nouvel impérialisme" était une bataille pour la richesse, la grandeur du pays, le pouvoir, voire la survie. En 1884-1885 eut lieu la Conférence de Berlin durant laquelle les pays se mirent d'accord au niveau du partage des territoires africains. Néanmoins, cette course aux territoires engendra de graves tensions diplomatiques comme, par exemple, la crise de Fachoda en 1898 entre les Britanniques et les Français. Les rivalités entre le Japon et la Russie, qui se disputaient des territoires asiatiques, débouchèrent sur la guerre de 1904-1905 qui vit s'imposer, de façon inattendue, le Japon. La politique menée par l'Allemagne pour développer son empire colonial et ainsi rivaliser avec les puissances étrangères, appelées la Weltpolitik, créa également de nombreuses tensions.

  • La Weltpolitik de l'Allemagne

En 1897, le Kaiser Wilhelm II annonça son intention de mener une politique mondiale, la Weltpolitik. Celle-ci était justifiée par la dépendance de l'industrie allemande, de plus en plus puissante, vis-à-vis des importations de matières premières. Cette politique agressive, contrairement à la politique de Bismarck, et soutenue à la fois par la presse allemande et les nationalistes, consista donc à prendre possession de territoires, le plus souvent situés dans les eaux territoriales mondiales, dotées de matières premières.

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La Weltpolitik, menée par Bernhard von Bülow et l'amiral Alfred von Tirpitz, nécessita a fortiori une puissance navale conséquente, dont le développement sera assuré avec une extraordinaire réussite par von Tirpitz. Les ambitions de l'Allemagne et l'accroissement de son empire colonial créèrent des craintes chez les Français et les Britanniques. Ces craintes se transformèrent rapidement en de nouvelles tensions.

  • Les alliances

En 1871, aucune alliance militaire entre pays européens n'avait été contractée. Les premières alliances, défensives, furent la Double Alliance de 1879 et la Triple Alliance, la Triplice, de 1882. Néanmoins, le soutien allemand à l'empire d'Autriche-Hongrie dans la crise des Balkans déboucha sur la signature, en 1894, d'une alliance militaire franco-russe qui, dans l'éventuel cas d'une guerre avec un État signataire de la Triple Alliance, devait déboucher sur une coopération militaire entre la France et la Russie. Le but de cette alliance était également de s'opposer aux ambitions allemandes. Ces alliances ont provoqué le développement de plans militaires : en 1905, le général von Schlieffen proposa un plan qui consistait en une attaque rapide sur la France pour concentrer, par la suite, la totalité des armées sur le front russe. L'armée russe planifia, dans le cas d'une guerre, une invasion rapide de l'Autriche-Hongrie. La seule nation qui était alors en dehors de ces alliances était la Grande-Bretagne. Cependant, la rivalité navale de l'Allemagne, le menacent que constituaient la Russie au sujet des Indes britanniques, le Japon en Asie et la France en Afrique, poussa le gouvernement britannique à sortir de son isolement.

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La première alliance fut contractée avec le Japon en 1902. Celle-ci encouragea le Japon à entrer en guerre contre la Russie (1904-1905). L'Entente cordiale, signée entre la France et la Grande-Bretagne en 1904, permit aux deux pays de régler les différends coloniaux en Afrique et en Asie. Ce n'était pas une alliance militaire contrairement à ce que pensait le Kaiser Guillaume II. Suite à la crise diplomatique franco-allemande engendrée par "le coup de Tanger", une conférence internationale fut organisée à Algésiras (1906) durant laquelle la Grande-Bretagne et la Russie encouragèrent la France qui, de ce fait, remporta une victoire diplomatique sur l'Allemagne. Le soutien de l'Allemagne suite à l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie en octobre 1908, contestée par la Russie, ne fit qu'attiser les tensions entre l'Allemagne et la Russie. En 1911, une nouvelle crise franco-allemande, la crise d'Agadir, provoquée volontairement par l'Allemagne dans le but d'obtenir des concessions coloniales, dans le cadre de la Weltpolitik, de la part de la France, était sur le point de déclencher une guerre. Là encore, la Grande-Bretagne soutint la France contre l'Allemagne. L’Allemagne, qui avait comme seul véritable allié l'Autriche-Hongrie, devait faire face aux puissances française, russe et anglaise.

  • Les Balkans

Les Balkans sont caractérisés par une diversité ethnique générant des tensions et par de nombreux groupes nationalistes très actifs. En 1903, le roi de Serbie Alexandre II, dernier roi de la dynastie des Obrenovitch, fut assassiné. Pierre Ier, hostile aux Habsbourg et à l'Empire ottoman, monta sur le trône. En 1903, il signa une alliance militaire avec la Russie. Après 1908, date correspondant à la date d'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche-Hongrie, la Serbie créa en 1912, dans le but de s'opposer à la présence turque, la Ligue des Balkans, composée de la Bulgarie, la Grèce, le Monténégro et la Serbie.


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En 1912, la Ligue déclara la guerre à la Turquie, qui venait de perdre la Libye au profit de l'Italie. Ce fut la première guerre des Balkans, qui se solda par le traité de Londres en 1913 et la victoire de la Ligue des Balkans. Mécontente, la Bulgarie, qui n'obtint pas de véritables gains territoriaux, déclara la guerre à la Serbie en juin 1913. Ce fut la seconde guerre des Balkans. Par le traité de Bucarest de 1913, la Serbie obtint des territoires en Macédoine. Le traité de Constantinople de 1913 autorisa la Turquie à reprendre les territoires qu'elle avait perdus au profit de la Bulgarie lors de la première guerre des Balkans. La Serbie, dont l'influence dans les Balkans avait très fortement augmenté, représentait la principale menace envers la Bosnie-Herzégovine et donc envers l'Autriche-Hongrie.


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