La Grande Guerre

Les relations de la Grande-Bretagne avec le reste du monde

Les relations britanniques

Dès le début du conflit, les Britanniques lancent leurs services de renseignement pour suivre au mieux les évolutions des troupes allemandes. Étonnement, le Bureau 40, appelé secrètement le NID25, chargé des travaux les plus secrets, est composé entre-autre de deux civils travaillant dans le décryptage. Il s'agit du révérend William Montgomery et de Nigel de Grey.

  • Les relations britannico-allemandes

Au début du XX e siècle, le gouvernement britannique tient à préserver sa puissance maritime face à l'hégémonie de l'Allemagne, qu'il considère comme sa rivale économique sur le continent européen. La croissance industrielle allemande, commencée en 1870, lui permet de se retrouver à la pointe de la technologie dans plusieurs secteurs d'activités dont les produits pharmaceutiques, chimiques, photographiques et optiques. La croissance économique allemande est multipliée par trois en l'espace de trente ans. Dans le même laps de temps, la croissance économique britannique baisse d'un tiers. Les exportations allemandes vers l'Amérique du Sud et vers le Moyen-Orient sont de plus ne plus importants. Malgré cette concurrence de l'Allemagne, la Grande-Bretagne veut préserver la place de référence internationale de la livre sterling. Ces dissensions grandissantes avec l'Allemagne oblige le gouvernement britannique à se rapprocher de la France malgré les tensions coloniales qui existent entre les deux pays. Ce même gouvernement, qui veut préserver son Empire face aux ambitions allemandes, tente un rapprochement avec les États-Unis d'Amérique.

Le lendemain de la déclaration de guerre de l'Angleterre à l'Allemagne, le navire câblier anglais, le Telconia, est envoyé en mer du nord à quelques milles d'Emden entre les Pays-Bas et l'Allemagne. Là, les marins draguent les fonds à la recherche des 5 câbles transatlantiques allemands. Les 5 câbles sont trouvés, coupés, enroulés sur des tambours et emportés en Angleterre pour exclure toute possibilité de les réparer. C'est le premier acte de guerre des Anglais et il entraînera des conséquences terribles. Après l'opération Telconia, il ne reste plus aux Allemands qu’un seul câble utilisable : celui qui relie l'Afrique occidentale au Brésil et qui est en grande partie propriété américaine. Pendant une brève période, les Allemands télégraphient leurs messages en Afrique, les font réexpédier en Amérique du Sud et de là, aux États-Unis. Mais rapidement les Anglais arrivent à court-circuiter ce câble, sans passer par les Américains, et l'Allemagne se retrouve dans l'impossibilité d'envoyer ses messages par câble.

Crédit photo : DP
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À partir de ce moment, et pour toute la durée de la guerre, l'Allemagne est privée de toute liaison directe par câble avec les pays d'outre-mer. Elle doit reprendre l'utilisation des stations radio, dont la plus puissante est celle de Nauen, située près de Berlin, tout en sachant que ces messages radiodiffusés peuvent être interceptés par l'ennemi. C'est précisément pour les intercepter que le bureau 40 a été créé. Très rapidement, plus de 200 messages interceptés arrivent quotidiennement au bureau 40 . Les Allemands continuent leurs envois de messages surs que leur code ne peut être cassé, car ils estiment que leurs ennemis ne luttent pas à armes égales au niveau intellectuel. L'abondance de leurs émissions, qu'ils envoient souvent en double ou triple exemplaire sur deux ou trois circuits différents, facilite grandement la tâche du bureau 40. Avec du temps, un nombre important de messages, de l'ingéniosité, de la patience, du génie et un exemplaire du livre de code allemand, les experts du bureau 40 finissent par percer le code allemand.

  • Les relations britannico-américaines

Les bonnes relations entre les deux pays débouchent, en 1915, sur des prêts Américains au gouvernement britannique qui doit relancer son industrie de guerre et fournir les munitions nécessaires aux troupes de combat britanniques. Le rachat des dettes à court terme des États-Unis d'Amérique s'effectue par le biais de transferts d'or.

Le 17 janvier 1917, le bureau 40 intercepte un nouveau radiotélégramme allemand. De Grey remarque tout de suite que ce message est d'une longueur inhabituelle : plus de mille groupes codés. C'est la première fois que cela arrive. Aussi, les deux spécialistes se mettent directement à essayer de décoder ce message qu'ils pensent n'être qu'un nouveau document de tentative de négociation de paix entre Berlin et Washington. C'est le rêve du président Wilson que d'être le sauveur de l'Europe, l'homme qui réussira à stopper la guerre et à négocier une paix honorable pour chaque belligérant. Ces échanges entre Berlin et Washington exaspèrent les Alliés qui attendent avec impatience que les Américains entrent en guerre à leurs côtés. Pour les Alliés, c'est la seule solution qui pourra les sortir des impasses de la guerre des tranchées qui figent le front ouest-européen. Le bureau 40 reçoit un exemplaire du code secret de la marine allemande capturé par les Russes en mer Baltique, sur l'épave du croiseur SMS Magdeburg, coulé au combat de l'île d'Odensholm.

Crédit photo : University of Aberdeen
Crédit photo : University of Aberdeen
Crédit photo : University of Aberdeen
Crédit photo : University of Aberdeen

Le code allemand reçu est la version diplomatique 13040, utilisée entre autres entre Berlin et Washington. Grâce à un classement méticuleux et à la confrontation de centaines de messages interceptés, l'équipe du bureau 40 est arrivée à élucider les multiples variantes de ce code. Dès lors, il devient plus simple pour les deux experts de décoder les messages interceptés. Convaincus que leur code est inviolable, les Allemands n'ont jamais pensé à le modifier durant les 4 longues années de guerre ! En général, le décodage d'un message commence par les noms de l'expéditeur et de son destinataire. Rapidement, ils trouvent le nom de l'expéditeur du fameux message : Zimmermann, le ministre des Affaires étrangères. Quant au nom du destinataire, c'est Excellence, c'est-à-dire l'ambassadeur allemand à Washington : le comte von Bernstorff. Ce n'est pas un simple message que les deux experts examinent mais un message de la plus haute importance. Au bout de deux heures, une version intelligible se dégage. Le message contient en fait deux télégrammes distincts. Le premier télégramme est adressé au comte Bernstorff et évoque le déclenchement de la guerre sous-marine à outrance dès le 1er février 1917. Le second télégramme est adressé à von Eckhardt et lui demande de faire une proposition d'alliance au Mexique. Zimmerman vient de fournir au Bureau 40 la preuve écrite qui pourrait faire basculer l'Amérique dans la guerre.

Crédit photo : DP
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Un dernier groupe de codes ne sera décodé que quelques semaines plus tard et dévoilera la promesse allemande d'aider le Mexique à reconquérir ses territoires perdus au Texas, en Arizona et au Nouveau-Mexique. Cette affaire du télégramme de Zimmerman est envoyée au DNI (Director of Naval Intelligence) dirigé par l'amiral Hall. Après lecture, l'amiral, qui comprend parfaitement l'idée de Zimmerman, se demande comment il va pouvoir informer les Américains du contenu de ce télégramme sans révéler que son bureau 40 a cassé le code allemand. Jamais les Américains ne croiraient sur parole une telle accusation. Ils poseraient de nombreuses questions indiscrètes et finiraient par savoir que les Anglais écoutent toutes les communications y compris celles des Américains. Si d'autre part, les Allemands apprenaient que le bureau 40 a réussi à percer le code allemand, celui ne serait plus utilisé et le travail de plus de deux ans réalisé par les experts du bureau 40 serait anéanti. Cela pourrait exiger des années avant de casser le nouveau code inventé par les Allemands.

  • Les relations britannico-irlandaises

Le royaume d'Irlande s'unit au Royaume-Uni le 01er janvier 1801. Tout se passe bien entre les deux nations jusqu'en 1870 où les libéraux irlandais souhaitent se détacher du Royaume-Uni en lui proposant un projet d'autonomie. Le Premier ministre anglais, William Gladstone, n'arrive pas à se décider face à cette demande, car elle impliquera la création de nouvelles réformes dans les domaines religions qui seront contraires aux principes de l'Église anglicane. De plus, l'Ulster, la partie nord de l'Irlande, demeure pro-anglaise. À partir de 1880, des violences apparaissent entre libéraux et agriculteurs irlandais. Les mauvaises récoltes aggravent la situation sociale. Des propriétaires sont agressés, des fermes sont incendiées et des bagarres éclatent un peu partout. En réponse à ces violences, les autorités britanniques adoptent des mesures de répression en envoyant des soldats anglais en Irlande, ce qui provoque une vague d'attentats sans précédent. Les conservateurs restent malgré tout attachés à l'union de l'Irlande avec le Royaume-Uni. En 1911, les élections irlandaises font revenir les libéraux au pouvoir. En janvier 1913, l'Home Rule est voté par les Communes mais ne conduit qu'à une autonomie partielle de l'Irlande. Les Britanniques gardent le contrôle sur la politique extérieure de l'Irlande. Cette autonomie n'est toutefois pas acceptée par les populations de l'Ulster qui restent anglicans.

Le soulèvement armé irlandais
Crédit photo : DP
Le soulèvement armé irlandais
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Des volontaires de Irish Volunteers
Crédit photo : DP
L'inspection de l'armée de l'Ulster Volunteer Force
Crédit photo : DP

En novembre 1913, l’élite dominante en Ulster, craignant une perte de pouvoir, forme l'Ulster Volunteer Force - UVF qui compte 100 000 volontaires. L'UVF se lance dans une série d’opérations illégales d’importation d’armes. Pour répondre à la formation de l’UVF, les nationalistes irlandais créent leur propre armée volontaire l'Irish Volunteers qui est constituée de plusieurs milliers de volontaires. L'Irlande traverse alors une période de tensions aggravée par la possibilité de voir une guerre civile se déclencher. Au déclenchement de la Grande Guerre, les opinions politiques laissent place aux encouragements pour les volontaires qui partent pour la guerre. Même les troupes britanniques présentes en Irlande et qui sont appelées à rejoindre le Royaume-Uni sont applaudies par les Irlandais sur les quais d'embarquement. Même si la réponse de l’Irlande aux appels à s’engager reste inférieure à celle d’autres régions du Royaume-Uni, 200 000 Irlandais se portent volontaires pour rejoindre l'armée britannique sur l'ensemble de la durée du conflit. Parmi ces Irlandais, il n'y a pas que des unionistes. Ainsi, 30 % des volontaires sont de l'UVF et 37 % sont de l'Irish Volunteers. Certains historiens pensent que le déclenchement de la Grande Guerre empêche le déclenchement de la guerre civile irlandaise.

L'inspection de l'armée de l'Ulster Volunteer Force
Crédit photo : DP
Le défilé de l'armée de l'Ulster Volunteer Force
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Des soldats de la 16e division irlandaise en France
Crédit photo : Wikipedia
Des soldats de la 16e division irlandaise en France
Crédit photo : Wikipedia

En 1916, un groupe issu des Irish Volunteers tente un soulèvement irlandais à Dublin. Durant une semaine, les membres de ce groupe affrontent les soldats britanniques présents à Dublin. L'interception d'une cargaison d'armes allemandes à destination des révolutionnaires réduit le champ d'action de ceux-ci qui s'éteint après 7 jours de lutte. Cette intervention des Allemands provoque une grave inquiétude du gouvernement britannique qui décide d'imposer la loi martiale le 26 avril 1916. De nombreux suspects irlandais sont arrêtés. Parmi eux, quinze leadeurs de l'insurrection sont exécutés. Ce sont ces exécutions qui retournent l’opinion populaire irlandaise contre les Britanniques. Malgré tout cela, les Irlandais continuent de s’engager dans l’armée britannique jusqu’à la fin de la guerre. La question irlandaise revient à l’ordre du jour en mars 1918 alors que la guerre n'est pas terminée. Paradoxalement, c'est l’armée allemande qui vient stopper la nouvelle action des nationalistes. Depuis, le 21 mars 1918, les Allemands enfoncent les lignes alliées dans le nord de la France. Pour stopper les Allemands, l'armée britannique a besoin de renforts qu'elle n'a plus. Aussi, le gouvernement britannique se retourne alors vers le parlement irlandais en leur demandant l'instauration de la conscription en Irlande. Le parlement irlandais refuse la demande, mais accepte de relancer une campagne de recrutement basé sur le volontariat. Ainsi, une vigoureuse campagne de propagande se manifestant par des affiches, des brochures, des films et des orateurs a lieu en Irlande. Les taux de recrutement augmentent considérablement au cours des trois derniers mois de la guerre. Entre août et novembre 1918, 9 845 hommes s’engagent contre 5 812 au cours des six mois précédents. Cela s’explique en partie par l’attrait de la Royal Air Force et des unités blindées qui garantissent à leurs recrues une formation à l’ingénierie et à la maintenance mécanique, spécialités particulièrement utiles aux futurs démobilisés. Au final, la guerre coûte la vie à 30 000 Irlandais. Une fois celle-ci terminée, les Irlandais se montrent à nouveau insistants concernant leur indépendance. La discorde entre les deux nations atteindra son paroxysme en 1920.


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